1674

Samuel Chappuzeau, Le Théâtre français

Lyon : M. Mayer, 1674

Effet immoral de la comédie ?

Dans son traité consacré à la vie théâtrale de son temps, Chappuzeau expose les points de vue divergents sur la moralité du théâtre et l'effet néfaste qu'une représentation peut produire sur le spectateur.

XVII - Sentiments de quelques particuliers sur le poème comique.

Comme la belle comédie qui donne agréablement sur le vice et l'ignorance est estimée de tous les honnêtes gens, celle qui a de sales idées n'a pas toute leur approbation. J'en ai connu plusieurs de ceux qui aiment passionnément la comédie, qui souhaiteraient que l'ombre même de l'amour criminel fût banni des représentations, qu'il n'en parût aucune démarche, et qui disent que l'idée d'une chose qui n'est pas plaisante dans le monde ne saurait l'être au théâtre. Il y en a de moins sévères qui se contentent que l'on passe légèrement sur cet article quand on ne peut l'éviter, qu'on ne fasse pas les peintures entières et que l'on n'amène pas les choses si avant qu'il semble qu'il n'y ait plus d'intervalle entre le projet et l'exécution. Je leur ai ouï dire que, ne pouvant souffrir de certaines gens qui, sur cet article du droit usage du mariage, prennent soin de nous le dépeindre trop exactement, qui en écrivent de gros volumes, et découvrent des choses à quoi peut-être on n'aurait jamais pensé, ils peuvent encore moins souffrir qu'on leur fasse en public des portraits parlants et sensibles d'un amour qui tend au crime, quoique l'on n'en vienne pas jusqu'à l'effet. On pourrait se tromper de croire que l'auditeur raisonnable prenne un plaisir infini à ces représentations qui passent les bornes, et des amourettes honnêtes entre personnes libres le divertiraient bien mieux.

Édition en ligne sur Gallica édition de 1876 p. 42 


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