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1669

Madame de Villedieu, Journal amoureux

Paris, Barbin, 1669

Scène à la comédie

Lors de la dixième journée du Journal amoureux, une comédie donnée chez la reine est le lieu d'une intrigue galante :

Le lendemain, il y eut une pêche fort agréable où les dames étaient habillées galamment et où le roi fit éclater sa magnificence dans la somptuosité des collations et dans l’ornement des bateaux où elles furent servies. Au retour de la pêche, il y eut comédie italienne chez la reine, et la duchesse, ayant des raisons secrètes d’aimer cette langue, elle fut des premières à ce divertissement. Le comte Stuard trouva le secret de se placer derrière sa chaise et, sa passion étant toujours la maîtresse de la politique, il se préparait à lui donner des marques nouvelles d’un amour qu’il ne pouvait vaincre, lorsque, Madame de Valentinois ayant levé le bras pour raccommoder quelque chose à sa coiffure, le comte aperçu un ruban à l’ouverture de la poche qu’il jugea être celui d’une tablette. Il le tira doucement pendant que la duchesse regardait ailleurs et, voulant profiter de cet effet du hasard, il allait écrire quelque galanterie dedans. Mais celle qui avait été faite le jour précédent lui ayant frappé la vue, il s’arrêta à la considérer. Il fut surpris de voir des vers de ce caractère sur les tablettes de la duchesse et, la jalousie qu’il conçut de la lecture lui arrachant un soupir, il fut si profond qu’il obligea la duchesse à tourner la tête de son côté. Elle aperçut d’abord ses tablettes et, les lui arrachant brusquement, elle fit connaître au comte par un regard irrité qu’elle était offensée de la liberté qu’il avait prise. Le comte la regard fixement à cette connaissance et poussant un second soupir aussi profond que le premier : « Ah ! Madame, lui dit-il, que viens-je de voir ? ». Il sortit après ces paroles et la duchesse ayant compris par elles qu’il avait lu le madrigal, elle voulut prévenir le mal que ces vers pouvaient lui causer s’ils étaient publiés.

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