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1666

Armand de Bourbon, Prince de Conti, Traité de la comédie et des spectacles

Paris, L. Billaine, 1666

L'effet du spectacle sur les spectateurs

Dans ce réquisitoire contre le théâtre, le Prince de Conti analyse la manière dont toutes les composantes du spectacle concourent à produire des effets puissants sur les spectateurs:

L’amour est présentement la passion qu’il y faut traiter le plus à fond ; et quelque belle que soit une pièce de théâtre, si l’amour n’y est conduit d’une manière délicate, tendre, et passionnée, elle n’aura d’autres succès que celui de dégoûter les spectateurs, et de ruiner les comédiens. Les différentes beautés des pièces consistent aujourd'hui aux diverses manières de traiter l’amour ; soit qu’on le fasse servir à quelque autre passion, ou bien qu’on le représente comme la passion qui domine dans le cœur. Il est vrai que l’Hérode de Monsieur Hensius est un poème achevé, et qu’il n’y a point d’amour : mais il certain aussi que la représentation en serait fort ennuyeuse. […] Ce n’est donc plus que dans les livres de poétique que l’instruction est la fin du poème dramatique. Cela n’est plus véritable, ni dans l’intention du poète, ni dans celle du spectateur. Le désir de plaire est ce qui conduit le premier, et le second est conduit par le plaisir d’y voir peindre des passions semblables aux siennes. […] Il est tous les jours ému par l’éloquence des orateurs, il le doit être à plus forte raison par la représentation des comédiens : ils y ajoutent même tout ce qui peut aider à ce dessein, la déclamation, leur port, leurs gestes et leur ajustement. Les femmes ne négligent rien pour y paraître belles : elles y réussissent quelquefois, et s’il y en a quelqu'une qui ne le soit pas, il ne faut pas s’en prendre à la comédie, rien n’est plus contre son intention, puisqu’elle lui fait tenir la place d’une personne qui a été l’objet d’une passion violente, qu’une comédienne sans beauté ne représente pas fidèlement.

Traité en ligne sur Gallica p.18-22 


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