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1673

Charles Robinet, Lettres en vers

Paris, Chenault, 1673.

Couverture de Germanicus

Le 27 mai 1673, Robinet annonce le Germanicus de Boursault. Il lui consacre un long compte-rendu de sa lettre du 3 juin :

Je voudrais bien parler du Grand Germanicus,
Qu’à présent, au Marais, l’on joue,
Mais ne l’ayant pas vu, j’avoue
Que mes efforts sont superflus.
J’en entends conter des merveilles,
Tant de la Pièce, que du Jeu,
Mais je n’en puis, pourtant, vous dire que ce peu,
Si je n’ai, pour témoins, mes yeux et mes oreilles.


[3 juin 1673]

Mais je veux d’abord que ma veine
Que je sens de vers assez pleine,
Pour ne pas si tôt se tarir,
M’en fournisse [des nouveautés] pour discourir
Des belles choses que j’ai vues
Et pareillement entrevues
Avec un plaisir singulier
Le dimanche et mardi dernier
En la royale académie
De musique, ma chère amie,
Et sur la scène du Marais da Où l’on fait, à présent, florès.

Sur la dite scène ou théâtre
Sans que la vérité je plâtre,
Que j’essaie à dire toujours
J’ai vu, dimanche, les Amours
De Germanicus qui, dans Rome,
Fut regardé comme un grand homme.
Et dans ces amours bien traités,
Il m’a paru force beautés
D’acte en acte et de scènes en scènes,
Qui partent d’une bonne veine
Ainsi qu’est celle de Boursault
Qui, là, le prend d’un style haut,
Et couche même des tendresses
A toucher nos belles tigresses.

Certes il s’est, au dire des gens
Qui sont des plus intelligents,
Surpassé dedans ce poème
N’ayant encore rien fait de même,
Et comme j’étais près d’iceux,
Je ne saurais discourir mieux,
De son dit dramatique ouvrage,
Qu’en rapportant leur témoignage,
En véridique histoire
Qui, des choses, n’altère rien.
Quant aux acteurs, quant aux actrices,
J’assure, lecteurs et lectrices,
Qu’on ne saurait, sans les flatter,
Mieux jouer, mieux exécuter.

La Dupin, à taille poupine,
Y fait le rôle Agrippine,
D’une si charmante façon,
Qu’elle prend à son ameçon
Les coeurs de tous ceux qui la voient
Et qui, si bien déclamer, l’oient,
Soit qu’elle parle avec Drusus,
Pison, ou bien, Germanicus,
Qui, tous trois sentent dans leur âme
Pour elle, l’amoureuse flamme.

Le premier est représenté
Par Destricher, en vérité,
Autant bien qu’on le puisse dire,
L’on ne saurait en faux s’inscrire,
Touchant ce que j’avance là
Et tout chacun le louait là
Comme un acteur de haute lice.

Pison, lequel dans cette lice
Par malheur trouve son cercueil
Est désigné par Verneuil
Lequel soutient ce caractère
Aussi de très bonne manière,

Germanicus, par Douvilliers,
Pourvu de talents singuliers,
Pour s’acquitter du plus beau rôle,
Est, croyez m’en, sur ma parole,
Représenté très dignement :
Et j’ose ajouter mêmement,
Sans que, par là, rien je contrôle,
Qu’encore que le susdit rôle,
Ne semble pas l’un des plus forts
Distribués à ces consorts,
Il sait, néanmoins, comme un maître,
Le faire tout autant paraître.

Je dois, encore, marquer ici,
Qu’illec une Livie, aussi
Est, par Mademoiselle Charlotte,
Non pas, je veux dire, Marotte,
Représentée, il est certain,
D’un air spirituel et fin.
Ne faut pas non plus que j’oublie
Qu’aussi le sieur de Rozélie
Y ravit, en habile acteur,
Par un beau récit, l’auditeur.

Et qu’enfin, l’actrice nouvelle
Qui mademoiselle Guyot s’appelle
Encore qu’elle ait peu d’emploi là,
S’entend dans cette pièce là,
Ne laisse pas d’y fort paraître
Et de faire aisément connaître,
Qu’elle a l’air, l’esprit et la voix
Pour remplir les plus beaux emplois
Qu’au théâtre, l’on distribue.
De tant de grâce elle est pourvue,
Que, partout, elle a fait grand bruit,
Et l’un de mes amis m’a dit
Qu’il fut exprès, en conscience,
Pour la voir, huit jours à Valence.

Transcription de David Chataignier disponible sur Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »