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1638

Jean Chapelain, Lettre à M. Maynard

Hérodes d'Heinsius

Cette lettre à Maynard datée du 16 juillet 1638 évoque la dissertation de Balzac sur la tragédie d'Heinsius et témoigne des différents modes critiques pour appréhender une pièce à cette date :

Quant à la censure de la tragédie de Heinsius, je suis étonné qu’elle vous soit nouvelle, mais non pas que vous l’estimiez à un si haut point. Elle est savante, judicieuse et éloquente en toutes ses parties, et le gros volume que le docteur hollandais a fait pour soutenir sa réputation contre une si rude attaque n’a servi qu’à la terrasser plus tôt. Ce n’est pas que la pièce ne soit fort belle dans toutes les expressions particulières et qu’il ne mérite grande approbation de ceux qui se contentent des tragédies à la manière de Sénèque. Mais tant s’en faut qu’elle ait les conditions requises pour être dite bonne selon Aristote qui, comme vous le savez, e il maestro di color che sanno, que je doute qu’elle en ait aucune et qu’il me semble que notre ami ne la fait qu’effleurer de ses remarques et qu’il y avait bien d’autres endroits aussi défectueux ou plus à enfoncer, s’il ne l’eût voulu épargner, ce qui me semble d’autant plus digne d’être repris à Heinsius qu’il a donné, il y a plus de vingt ans, un traité fort solide et fort méthodique de la bonne constitution de la tragédie qu’on peut dire une quintessence de La Poétique d’Aristote, après quoi ses égarements dans l’art sont, à mon avis, inexcusables. Et si l’Académie avait reçu le commandement de mettre son Hérodes sur la sellette, il se trouverait qu’en matière d’art Le Cid serait innocent auprès de lui.

Lettre en ligne sur Gallica t. I, p. 268-269.


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