Par support > Romans, nouvelles > Le Page disgracié

 

1643

Tristan L'Hermite, Le Page disgracié

Paris, Quinet, 1643

Le protégé des comédiens

Les comédiens réguliers du maître du page se prennent d'amitié pour ce dernier. C'est l'occasion pour l'auteur de faire quelques remarques sur eux. Selon la clé imprimée à la fin de l'édition de 1667, il s'agirait des comédiens Vantret et Varlet :

Cette gentillesse m’acquit l’amitié de beaucoup de gens et entre autres d’une troupe de comédiens qui venaient représenter trois ou quatre fois la semaine devant toute cette Cour où mon maître tenait un des premiers rangs. Il me souvient qu’entre ces acteurs, il y en avait un illustre pour l’expression des mouvements tristes et furieux, c’était le Rossius de cette saison et tout le monde trouvait qu’il y avait un charme secret en son récit. Il était secondé d’un autre personnage excellent pour sa belle taille, sa bonne mine et sa forte voix, mais un peu moindre que le premier pour la majesté du visage et l’intelligence. J’aimais fort ces comédiens et me sauvais quelquefois chez eux lorsque j’avais quelque secrète terreur et que notre précepteur m’avait fait quelque mauvais signe. Ils faisaient grande estime de moi à cause de mon esprit et de ma mémoire qui n’étaient pas des choses communes et lorsque je leur allais dire que j’étais en peine et que notre précepteur me faisait chercher, ils trouvaient le moyen de me cacher et m’amenant avec eux au Palais, lorsqu’ils y allaient représenter, dès que mon maître passait derrière leur théâtre pour leur parler en attendant qu’ils fussent prêts à jouer, ils ne manquaient pas de lui venir faire en corps une requête en ma faveur.

Mon maître qui ne m’avait vu de deux ou trois jours et qui savait bien que j’étais sur le papier rouge était aussitôt touché de leur prière et en adressait sur le champ une autre à notre précepteur qui ne se pouvait défendre de promettre mon abolition. Et lors que j’avais ouï les mots efficaces, je sortais promptement de derrière quelque basse de viole où je m’étais tenu à refuge et me venais jeter aux pieds de mon maître pour le remercier de cette nouvelle grâce qu’il avait obtenue pour moi.

Edition de 1667 disponible sur Gallica.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »