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1675

Pierre de Villiers, Entretien sur les tragédies de ce temps

Paris : E. Michallet, 1675

La réussite hasardeuse des pièces à sujets religieux

Dans sa dissertation sous forme de dialogue entre Timante et Cléarque, Pierre de Villiers évoque la tragédie sans amour de Racine. Les deux protagonistes en arrivent à évoquer le succès inégal des deux tragédies saintes de Corneille, Polyeucte et Théodore.

TIMANTE.
Vous croyez donc qu’on peut faire de bonnes tragédies sur des sujets saints.

CLEARQUE.
Je crois du moins qu’on ne voudrait pas se hasarder à en faire. Quoique l’Hôtel de Bourgogne n’ait été donné aux comédiens que pour représenter des histoires saintes, je ne crois pas que ces Messieurs voulussent reprendre aujourd’hui leur ancienne coutume, il se sont trop bien trouvé des sujets profanes pour les quitter.

TIMANTE.
J’ai ouï dire qu’ils ne s’étaient pas plus mal trouvés des sujets saints, et qu’ils avaient gagné plus d’argent au Polyeucte qu’à quelque autre tragédie qu’ils aient représentée depuis.

CLEARQUE.
Il est vrai que cette tragédie réussit bien, M. Corneille la hasarda sur sa réputation, et il crut par le succès qu’elle eut, qu’il en pouvait hasarder encore une autre. Il donna Théodore ; cette dernière ne réussit point. Et depuis personne n’a osé tenter la même chose, on a renvoyé ces sortes de sujets dans les collèges, où tout est bon pour exercer les enfants, et où l’on peut impunément représenter tout ce qui est capable d’inspirer ou la dévotion ou la crainte des jugements de Dieu.

Racine, Œuvres complètes, I, Paris,Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1999, p. 787

Dissertation en ligne sur Gallica, p. 94-97


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