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1747

Louis Racine, Réflexions sur la poésie

Paris : Desaint et Saillant, 1747

Qui est le véritable Hippolyte ?

Dans les pages qu’il consacre à la Phèdre de son père, Louis Racine analyse les réactions divergentes suscitées par le personnage d’Hippolyte.

Mais Hippolyte amoureux n’est plus, dit-on, le véritable Hippolyte. Quand il est aux pieds d’Aricie, quoiqu’il dise que l’amour est une langue étrangère pour lui, il parle cette langue avec une délicatesse que ne doit point connaître un jeune homme uniquement occupé de chiens et de chevaux. C’est comme un chasseur qu’il est amené sur le théâtre par Euripide. Il chante un cantique à Diane, et lui offre une couronne de fleurs nouvelles, symbole de la chasteté. On l’exhorte en vain à rendre à Vénus les honneurs qui lui sont dus, il répond qu’il méprise une déesse dont la puissance a besoin des ténèbres, et il recommande qu’on ait soin de ses chevaux afin qu’après son repas il puisse retourner à la chasse. Tel est Hippolyte, et tel il doit toujours être.
Les défenseurs de notre poète répondent à cette critique que l’Hippolyte d’Euripide ne résiste à Phèdre que par férocité. Toute femme lui est également odieuse, et le mot d’amour, dans quelque bouche qu’il soit, le révolte également ; il est toujours sauvage. Notre Hippolyte, au contraire, est sensible comme un autre, et se livre à une passion innocente : ce n’est point par férocité, mais par vertu, qu’il résiste à l’amour incestueux de sa belle-mère.
Je ne veux épouser ni l’un ni l’autre de ces deux jugements : le premier me paraît trop sévère, je crains que le second ne soit trop indulgent.

Ouvrage disponible sur Gallica dans la rééditionde l’édition de 1808 des Œuvres complètes, tome 2, p. 387-388


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