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1668

André Félibien, Relation de la fête de Versailles du 18 juillet 1668

Paris : P. Le Petit, 1668

Des feux d'artifice suprenants

Les divertissements de la fête organisée à Versailles le 18 juillet 1668 s'achèvent par des feux d’artifices. Félibien relate l'effet de surprise qu'ils provoquent.

Bien que tout le monde sût que l’on préparait des feux d’artifice, néanmoins en quelque lieu qu’on allât durant le jour, l’on n’y voyait nulle disposition, de sorte que dans le temps que chacun était en peine du lieu où ils devaient paraître, l’on s’en trouva tout d’un coup environné. Car non seulement ils partaient de ces bassins de fontaines, mais encore des grandes allées qui environnent le parterre : et en voyant sortir de terre mille flammes qui s’élevaient de tous côtés, l’on ne savait s’il y avait des canaux qui fournissaient cette nuit-là autant de feux, comme pendant le jour on avait vu de jets d’eau qui rafraîchissaient ce beau parterre. Cette surprise causa un agréable désordre parmi tout le monde, qui ne sachant où se retirer, se cachait dans l’épaisseur des bocages et se jetait contre terre. Ce spectacle ne dura qu’autant de temps qu’il en faut pour imprimer dans l’esprit une belle image, de ce que l’eau et le feu peuvent faire quand ils se rencontrent ensemble et qu’ils se font la guerre : et chacun croyant que la fête se terminerait par un artifice si merveilleux, retournait vers le château, quand du côté du grand étang l’on vit tout d’un coup le ciel rempli d’éclairs, et l’air d’un bruit qui semblait faire trembler la terre ; chacun se rangea vers la grotte pour voir cette nouveauté, et aussitôt il sortit de la tour de la pompe qui s’élève toutes les eaux, une infinité de grosses fusées qui remplissent tous les environs de feu et de lumière. À quelque hauteur qu’elles montassent, elles laissaient attachée à la tour une grosse queue qui ne s’en séparait point que la fusée n’eût rempli l’air d’une infinité d’étoiles qu’elle y allait répandre : tout le haut de cette tour semblait être embrasé, et de moment en moment elle vomissait une infinité de feux, dont les uns s’élevaient jusques au ciel, et les autres ne montant pas si haut, semblaient se jouer par mille mouvements agréables qu’ils faisaient ; il y en avait même qui marquant les chiffres du Roi par leurs tours et retours, traçaient dans l’air de doubles L toutes brillantes d’une lumière très vive et très pure. Enfin, après que de cette tour il fut sorti à plusieurs fois une si grande quantité de fusée, que jamais on n’a rien vu de semblable, toutes ces lumières s’éteignirent, et comme si elles eussent obligé les étoiles du ciel à se retirer ; l’on s’aperçut que de côté-là la plus grande partie ne se voyait plus, mais que le jour jaloux des avantages d’une si belle nuit, commençait à paraître.

                Relation disponible sur Gallica dans son éditionillustrée de 1679, p. 41-42.

L’édition originale est consultable sur GoogleBooks.


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