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1700

Évariste Gherardi, Arlequin Phæton

Paris, J. B. Cusson et Pierre Witte, 1700.

Les ragots du public

Dans Arlequin Phæton, une pièce de Jean de Palaprat créée par les comédiens italiens en 1692, Phæton voudrait que lui et sa femme Galatée deviennent chanteurs et danseurs d’opéra. Momus le met en garde contre les séducteurs qui voudront courtiser sa femme pendant les représentations et contre les conclusions que les autres spectateurs en tireront sur la légèreté de Galatée.

MOMUS
[…] si un jeune homme que ses débauches auront décrié parmi les belles veut s’établir le renom de galant, il choisira ta femme pour lui jurer qu’il a renoncé au vin en faveur de ses charmes, et croira faire au sexe une réparation publique en poussant des hoquets amoureux à la face du parterre, du paradis et des loges.

PHÆTON
Ho ! Parbleu, qu’il demeure dans sa crapule, je ne veux pas passer pour sot, afin qu’il cesse de passer pour ivrogne.

MOMUS
Tantôt un galant plus dangereux et moins jeune, nouveau Tithon à qui ses prouesses pour une infinité d’aurores naissantes n’ont plus guère laissé que la voix, jettera l’œil sur elle pour la rendre l’objet éclatant de ses brillantes galanteries, et s’acharnera à la pourchasser de coulisse en coulisse devant tout le monde, pour se consoler du peu de chemin qu’il lui ferait faire s’ils étaient tête à tête.

PHÆTON
Passe pour celui-là, les galants de ce caractère font quelque fois du bien, et ne sauraient jamais faire grand mal.

MOMUS
Il est vrai, mais le mal est que si quelque seigneur, d’un certain fracas s’avise de prendre des soins pour Galatée, quelque fatiguée qu’elle soit de ses ennuyeux emportements, quelque sage conduite qu’elle puisse avoir, elle ne saurait empêcher que le spectateur malin, témoin de ce manège, le bourgeois soupçonneux, le sot défiant, la femme de qualité envieuse et jalouse, la demoiselle de vertu douteuse qui mesure tout à son aune, le jeune étourdi qui veut et croit tout savoir, le nouveau débarqué de la province, qui n’a fait qu’un saut du coche à l’auberge, et de l’auberge au parterre, elle ne saurait, dis-je, empêcher que tous ces gens-là ne s’imaginent que le seigneur est heureux ; et c’est tout ce que le seigneur souhaite.


Jean de Palaprat, Arlequin Phæton, dans Évariste Gherardi, Le théâtre italien de Gherardi, ou le Recueil général de toutes les comédies et scènes françaises jouées par les comédiens italiens du roi, pendant tout le temps qu'ils ont été au service, Amsterdam, Isaac Elzevir, 1707, t. III, p. 520-522.

Extrait disponible sur Google Books.


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