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1647

Jean de Gombauld, Lettres de Gombauld

Paris : A. Courbé, 1647.

Une nuit inoubliable

Dans sa lettre XXII à une dame aimée, Gombauld revient sur la nuit de spectacles à laquelle tous deux ont participé la veille. Soirée inoubliable, pour la compagnie surtout.

Après une si claire nuit qui s’est toute écoulée en spectacles, et qui sans nous permettre de clore les yeux, nous a fait passer insensiblement d’un jour à l’autre, j’ai mieux aimé vous écrire que de me reposer […]. Je meurs d’envie de vous dire des nouvelles de vous-même, et de cette grande assemblée dont vous étiez la meilleure partie, ce qui était cause que vous seule ne pouviez pas voir ce qu’il y avait de plus beau, et de plus digne d’être vu. Mais en récompense vous aviez cette satisfaction de savoir que vous le faisiez voir à tout le monde […]. Parmi tant de Dames où vous étiez, comme une Diane parmi ses Nymphes, on pouvait dire de quelques unes, à les voir si pompeuses et si parées, qu’elles étaient la moindre partie d’elles-mêmes […]. Et si des dames il faut passer aux cavaliers, je vous dirai qu’il était facile à juger que leur souverain bien n’eut été que de vous plaire. On les voyait à tout moment témoigner des signes d’admiration, ou laisser échapper quelque plainte, comme si tout à l’heure quelque trait d’Amour leur eut percé le cœur. Les uns soupiraient, les autres saisis d’étonnement demeuraient immobiles, comme des rochers qui n’avaient plus rien d’humain que la figure et qui venaient d’être transformés. Et moi, Madame, je ressentais seul les passions de tous ensemble : qui m’eussent causé des inquiétudes que ni les voix, ni les instruments, ni les théâtres, ni les ballets, n’eussent pu divertir ; si dès l’entrée vous ne m’eussiez fait un signe, qui m’obligea de m’approcher de vous, et de vous dire, Vous n’êtes aujourd’hui que pour les dieux. À quoi vous me voulûtes gratifier d’une réponse, qui ne se trouva jamais dans la bouche des oracles, et qui me fit bien voir quelque divertissement que vous pussent donner les divers objets d’un si beau, et d’un si grand monde, que vous étiez telle que le Soleil qui éblouit toutes choses, et que rien ne peut éblouir. Je n’ai jamais rien ouï que je pusse moins oublier. Et après cette faveur, quelque chose qui m’arrive à l’avenir, je ne pense pas que je puisse être malheureux, tant que j’aurai de la mémoire.

       

Correspondance consultable en ligne sur Gallica, p. 89-94.


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