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1698

[Anonyme], L’école des maris jaloux

Neuchatel : M. Fortin, 1698

Une fête à la pastorale

Dans ce recueil d’histoires de maris jaloux, l’auteur anonyme met en relief les effets tragiques de la jalousie dans le couple. C’est notamment le cas dans le récit des aventures de l’infortunée vénitienne Madame Varroni. En l’absence de son mari, celle-ci organise ici une petite fête.

Se voyant ainsi libre et la maîtresse, elle proposa, dès le soir du départ de son mari, à Tenerina, sa chère confidente, et à Alessio, son écuyer, une partie de divertissement pour le lendemain. Ils en furent l’un et l’autre d’accord, et choisirent cinq ou six paysannes des plus jeunes et des plus jolies du voisinage pour que le plaisir de la danse en fût plus grand, et la fête plus solennelle.
Bien que Virginie n’eût aucun dessein de mal faire dans cette récréation, et qu’elle ne crût pas qu’on dût se l’imaginer, néanmoins afin qu’il ne parût rien au dehors qui pût la rendre répréhensible, elle fit déguiser son jeune romain, et le fit habiller en bergère, puis fit revêtir de leurs plus beaux habits la plupart de ces paysannes qui devaient faire leur personnage dans le dessein de la mascarade ou de la pastorale, qu’elle avait imaginée à la manière du pays.
Le jour dédié à ce divertissement se commença par l’appareil d’un dîner extraordinaire, où l’abondance et la diversité des viandes parut merveilleusement, et firent le régal de tous ceux qui étaient de la partie. A ce repas succédaient mille jeux, des plus galants et des plus enjoués qui soient en usage parmi les campagnardes ; et enfin ils furent suivis d’un ballet, où toutes les danses des bergères et des pasteurs furent dansées au son de la guitare, dont Alessio, travesti comme nous avons dit, joua avec une adresse et une grâce admirables.
Comme Virginie était d’un naturel sanguin, et par conséquent d’une humeur qui se donnait toute à la joie lorsqu’elle en trouvait l’occasion, elle animait toute la troupe par ses manières toutes de feu, et se faisait un plaisir extrême de lasser les unes après les autres celles qui étaient de ce divertissement. Mais comme ces sortes de danses ne se sauraient faire sans des mouvements et des sauts qui sont quelquefois violents, il arriva que notre belle vénitienne faisant paraître trop de bravoure en sautant avec trop d’emportements, sentit rompre par une secousse et un branle extraordinaire qu’elle se donna, une maille de sa ceinture qu’elle fut obligée d’aller quitter aussitôt, dans le dessein de la faire raccommoder le lendemain.

       

Roman consultable sur Google Books dans une réédition de 1874 (SanRemo : J. Gay et fils, 1874), p. 41-42.


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