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1662

abbé Cernay, Le pédagogue des familles chrétiennes

Paris : Pierre de Bresche, 1662

Catéchisme sur l'interdiction des comédies

Sur le mode pédagogique des questions/réponses, l'abbé explique au jeune croyant les raisons pour lesquelles le théâtre est absolument défendu par l'Église :

Quelle raison y peut-on encore apporter ?
Il y en a plusieurs, comme de dire que ce qu'on voit aux comédies est ordinairement contraire à la vertu et aux bonnes moeurs par la raison ci-devant dite.
Comment cela?
Pour ce que le propre de la vertu est de régler et réprimer les sales passions en les soumettant à la raison: où la comédie les produit et les étale de toute leur force, en approuve tous les succès, et y donnent des récompenses.
Il y a-t-l quelqu'autre raison à ajouter ?
Oui, car l'on voit que tout ce qui se représente pour l'ordinaire en tels jeux, sont des pièces d'amour déshonnête qui paraît avec la plus grande effronterie qui se puisse imaginer, et se débite avec tant d'art et d'adresse affectée, qu'il ne fait pas peu d'impression sur l'esprit des spectateurs, et dont ils peuvent retenir de très pernicieux exemples.
Quels mauvais exemples en peut-on remporter?
Tels sont les discours impudiques qu'on y dit, les inventions diaboliques de faire réussir des desseins d'impureté, les moyens de venger les injures, d'excuser ou louer des actions infâmes, et autres pareilles abominations. [...] Que trouvez-vous en cela de blâmable?
Rien, sinon que tout l'appareil de la comédie, c'est-à-dire les acteurs, les sujets, les habits, les postures, bref tout le reste de ce honteux attirail.
Qu'y a-t-il à redire à cela?
Beaucoup, très certainement. Car je ne sais comme l'on peut souffrir ces grands fainéants ou valets travestis, suivis de coureuses et damoiselles faites à la hâte, tout plein de fard, de plâtres, de mouches, et de farine, et accompagnées de gestes impudents, de regards lascifs, de discours insolents, de déguisement d'hommes en femmes, et de femmes en homme, le tout avec si peu de honte, qu'il faudrait leur être semblable pour pouvoir les approuver.
Quand il y aurait quelque chose à reprendre à leurs personnes, néanmoins les histoires qu'ils représentent sont toujours assez agréables?
Toute la rimaille de ces badins viennent déclamer sur leur échafaud, n'est souvent remplie que de fables ridicules, où il n'y a autre vérité sinon qu'ils publient en vers les vices qui se commettent en prose dans les maisons: ce qui ne peut agréer aux personnes raisonnables.
Ils ne laissent pas de divertir le monde?
Ils divertissent très peu de gens sages du monde, qui en sont la meilleur partie, et qui sont peu curieux de telles fadaises et impertinences. Mais seulement de quelques jeune gens, certaines femmes incapables de tout bon et sérieux entretien, et qui déjà sont insuffisants de faire la loi aux autres.
L'on ne laisse pas d'y assister avec plaisir, et en grande compagnie ?
Cette mauvaise pratique vient de ce que le commun du monde veut être trompé par tout où il cherche des injustes passe-temps, et que la corruption le porte à ce qui plus défendu.
Et en quoi est-on trompé par la comédie ?
C'est que si l'on ôtait cet appareil odieux que nous avons dit, que les joueurs et joueuses y parussent en leurs habits ordinaires, le théâtre sans ce qu'ils nomment décoration, il ne se pourrait rien voir de plus ineptes et risibles, ni de plus sottes gens que ceux-là.
Mais c'est aussi ces choses que vous censurez qui font la comédie ?
C'est aussi ce qui est défendu par toutes les lois divines et humaines, et qui fait ce qu'on appelé spectacle. [...]
Est-ce donc un si grand péché d'y assister ?
Il est presque aussi grand que celui des acteurs qui ne paraîtraient pas en public, s'ils n'y étaient attirés par ceux qui les entendent, et dont ils regardent plus l'argent, que tout autre chose. Il est de cela, comme de prêter des échelles aux voleurs de qui on se rend complice par ce moyen.[...]
*Cependant S. François de Sales dit que les comédies ne sont nullement choses mauvaises en leur substance, ains indifférentes ? *
Cela est vrai, mais il faut lire tout le passage qui dit qu'elles sont dangereuses, et s'y affectionner cela est encore plus dangereux. Ce sont les termes qui ne parlent que des comédies honnêtes, et non de celles qu'on joue ordinairement et qui sont défendues comme nous avons dit. De plus, quoique toutes choses soient bonnes en leur substance, il ne s'ensuit pas qu'elles le soient en tout leur usage. [théâtre des collèges] [théâtre religieux]

Extrait signalé par F. Lecercle dans la "Bibliographie France" sur le site La Haine du Théâtre  
En ligne sur Google Books p. 445-453


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