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1702

Jean-Baptiste Morvan de Bellegarde, Lettres curieuses de littérature et de morale

Paris : J. et M. Guignard, 1702.

Le but du poète n’est pas celui de l’avocat

Deux sens concourent à provoquer l’émotion du public : la vue et l’ouïe. Comparaison entre le poète et l’avocat : le premier doit émouvoir, le second non. Le texte poursuit en mentionnant les passages de l’Hécube d’Euripide qui provoquent de l'émotion.

La fin des pièces dramatiques est d’exciter en l’âme plusieurs passions tour à tour, la tristesse, la joie, la douleur, l’espérance, le désespoir : ces passions entrent dans l’âme par les yeux et par les oreilles, par les spectacles et par les récits lorsqu’on fait voir au spectateur quelque objet pitoyable ou qu’on lui raconte quelque histoire tragique. Le caractère des poètes dramatiques est bien différent de celui des avocats qui plaidaient devant les juges de l’Aréopage : il leur était très expressément défendu d’employer aucune figure qui pût exciter quelque passion dans l’esprit de ces sénateurs ; on se contentait de rapporter le fait et d’exposer simplement les raisons qui l’appuyaient. L’emploi du poète est tout différent : il doit se servir de tout son esprit et mettre en œuvre toutes les règles de son art pour jeter le trouble dans l’âme des spectateurs, qui entrent dans tous les sentiments du héros que l’on expose sur la scène, soit que sa destinée soit heureuse ou malheureuse. La qualité des personnes qui souffrent, leurs vertus, leur sexe, leur âge, les dispositions de ceux qui les font souffrir, la nature des peines qu’elles endurent ; tout cela peut beaucoup contribuer à exciter la compassion. Euripide a merveilleusement bien ménagé toutes ces circonstances dans la tragédie d’Hécube.

Extrait de la cinquième lettre, « Sur les pièces de théâtre », disponible sur Gallica, p. 361-364.


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