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1698

Nicolas de Volpilière, Sermons sur les vérités chrétiennes et morales

Paris, Imbert de Bats

Mensonge du théâtre vs vérité du semon

Dans son sermon, le théologien Nicolas de la Volpilière prononce une violente attaque à l'encontre du théâtre et des spectacles en raison de leur caractère mensonger et trompeur.

Chose étonnante! dit le Père de l'éloquence Chrétienne, si un Acteur monte sur un théâtre pour amuser les esprits, les entretenir de fables, et les nourrir d'illusions, on y court, on y applaudit: et si un Prédicateur envoyé de Dieu par une mission Apostolique, monte en chaire, pour y prêcher la vérité, pour y développer les mystères, et pour y dire des choses qui nous font d'une conséquence infinie, comme celles qui regardent le salut éternel on ne l'écoute pas; ou si on l'entend, c'est avec tant de froideur, qu'il ne fait aucune impression sur les esprits, et qu'il ne produit aucun changement dans les cœurs. D'où vient cela, Chrétiens ? C'est premièrement qu'on n'aime point la parole de Dieu, et que par une étrange corruption de l'esprit humain, on prend beaucoup plus de plaisir au mensonge qu'à la vérité. Car enfin, quoique ceux qui aiment la Comédie, et qui se plaisent aux illusions du théâtre, sachent bien que ce ne sont que vaines représentations, des feintes agréablement imaginées, et de pures inventions d'un auteur qui se donne la liberté de peindre avec esprit, ou d’ajouter de fabuleuses aventures aux véritables, pour attirer plus d'admiration, et rendre l'intrigue de son sujet plus divertissante; ils en font néanmoins extrêmement touchés, ils y paraissent incomparablement plus attentifs qu'au Sermon, et plût à Dieu qu'ils n'y prissent pas les passions qu'on y exprime: plût à Dieu que leur cœur ne sentît point l'atteinte des amours passionnés, ni des haines violentes qu'on y dépeint. Bien que tout cela ne soit que mensonge, vanité, corruption de mœurs ; ce mensonge, cette vanité, ce dérèglement condamné si souvent par les censures de l'Eglise, et par les invectives sanglantes des saints Pères, plaît infiniment plus qu'un dogme de la Religion, qu'un oracle de l’Écriture, et qu'une maxime de l’Évangile annoncée dans la Chaire de la vérité ! Qui fait cela, Messieurs ? C'est le mensonge, qui pour pour être déguisé ingénieusement, et revêtu de belles paroles, a le secret d'attirer les oreilles, de gagner les esprits, et de s'introduire dans les cœurs : pendant que la vérité demeure dans l'oubli, comme dit le Prophète, parce qu'elle paraît toute nue, sans artifice, sans fard et sans déguisement. Hommes entêtés, prévenus, aveuglés, jusques à quand fermerez-vous ainsi les yeux à la lumière, jusques à quand prendrez vous plus de plaisir d'être séduits, d'être vendus et d'être joués que d'être instruits, d'être éclairés, et d'être conduits au terme bienheureux où consiste le repos éternel!

Sermon p. 17-19


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