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1667

Chérier ; Eustache Le Noble, Les Barons fléchois

Paris, C. Blageart, 1667

Le Portrait d'Aminte, auteur ridicule

Cette comédie présente une galerie de nobles de province caricaturaux ; les deux personnages font ici le portrait de l'un d'eux, le ridicule auteur Aminte.

CLEANDRE.
Et dans deux jours au plus ils [les barons] feront, je t’assure,
De tes vices inconnus une juste peinture,
Car nous avons ici (mais sans l’avoir cherché)
Un peintre clairvoyant, à qui rien n’est caché :
Aminte le subtil, de qui la veine plate
Infecte le pays (je te veux dire "éclate".)
Penses-tu que ce soit un poète d’Auribus,
Ou quelque malotru possesseur de Bibus ?
Il ne cède à pas un, c’est un Corneille en herbe,
Il surpasse Ronsard, Boyer, Quinault, Malherbe,
Ses écrits valent mieux qu’un ragoût plein de sel,
Bref, c’est un vrai pédant, un homme universel,
Qui sait également la prose et la satire,
Qui sait parler par cœur, lire, imprimer, écrire,
Et qui, force de lire et faire des écrits,
Renferme en son esprit tous les plus beaux esprits.
Sa conversation et sa douceur extrême
Polirait sur le champ l’incivilité même.
C’est un brave achevé, bref un héros du temps,
Qui ferait au besoin peur aux petits enfants ;
Et je crois, sur ma foi, tant il est redoutable,
S’il était en humeur, qu’il ferait peur au diable.
Voilà du digne Aminte un crayon imparfait.
Reste à toi d’en juger par ce qu’il n’a pas fait.

CLIDAMIS.
La curiosité me porte à le connaître
Et voir ce grand auteur, mais je n’ose paraître
Devant ce Goliath, en savoir si profond.

CLEANDRE.
Ton interruption me trouble et me confond.
N’en peux tu pas juger dessus cette copie ?

CLIDAMIS.
Je n’ai pas comme toi l’idée haute et hardie

CLEANDRE.
Puis donc que tu ne peux concevoir bien ou mal,
Je te le ferai voir en propre original.

Comédie en ligne sur Gallica pp. 6-7


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