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1652

Paul Scarron, Le Roman comique

Paris, Quinet, 1652

Vanité et critiques du comédien la Rancune

Peinture ridicule de la Rancune, comédien raté, dont l'acrimonie est parvenue à faire trembler les autres membres de sa troupe.

Il avait assez d’esprit et faisait assez bien de méchants vers, d’ailleurs homme d’honneur en aucune façon […] il trouvait à redire en tous ceux de sa profession : Bellerose était trop affecté, Mondory trop rude, Floridor trop froid et ainsi des autres, et je crois qu’il eût aisément laissé conclure qu’il avait été le seul comédien sans défaut, et cependant il n’était plus souffert dans la troupe qu’à cause qu’il avait vieilli dans le métier. Au temps qu’on était réduit aux pièces de Hardy il jouait en fausset, sous le masque, les rôles de nourrices. Depuis qu’on commença à mieux faire la comédie, il était le surveillant du portier, il jouait les rôles de confidents, ambassadeurs et recors quand il fallait accompagner un roi, assassiner quelqu’un ou donner bataille, il chantait une méchante taille aux trios et se farinait à la farce. Sur ces beaux talents-là, il avait fondé une vanité insupportable, laquelle était jointe à une raillerie continuelle, une médisance qui ne s’épuisait point, et une humeur querelleuse qui était pourtant soutenue par quelque valeur : tout cela le faisait craindre à ses compagnons.

Edition de 1655 disponible sur Google Books.


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