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1679

[Anonyme], Le Roman comique, troisième partie

Paris, Barbin, 1679

Théories dramatiques d'une provinciale

La troupe, à la demande d'un notable local, se voit engagée pour jouer une pièce ancienne, la Sylvie de Mairet. La jeune mariée fait le bel esprit de province au gré de quelques réflexions sur la pastorale.

Il [Un notable du lieu] mariait sa fille unique, et il venait prier les comédiens de représenter chez lui le jour de ses noces. Cette fille, qui n’était pas des plus spirituelles du monde, leur dit qu’elle désirait que l’on jouât la Sylvie de Mairet. Les comédiens se contraignirent beaucoup pour ne rire pas, et lui dirent qu’il fallait donc leur en procurer une, car ils ne l’avaient plus. La demoiselle répondit qu’elle leur en baillerait une, ajoutant qu’elle avait toutes les pastorales : celles de Racan, La Belle Pêcheuse, Le Contraire en amour, Ploncidon, Le Mercier, et un grand nombre d’autres dont je n’ai pas retenu les titres. « Car, disait-elle, cela est propre à ceux qui, comme nous, demeurent dans des maisons aux champs ; et d’ailleurs les habits ne coûtent guère : il ne se faut point mettre en peine d’en avoir de somptueux, comme quand il faut représenter La Mort de Pompée, le Cinna, Héraclius ou la Rodogune. Et puis les vers des pastorales ne sont pas si ampoulés comme ceux des poèmes graves, et ce genre pastoral est plus conforme à la simplicité de nos premiers parents, qui n’étaient habillés que de feuilles de figuier même après leur péché ». Son père et sa mère écoutaient ce discours avec admiration, s’imaginant que les plus excellents orateurs du royaume n’auraient su débiter de si riches pensées, ni en termes si relevés. Les comédiens demandèrent du temps pour se préparer, et on leur donna huit jours.

Edition de 1857 disponible sur Gallica.


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