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[s. d.]

[Anonyme], La Description des superbes machines et des magnifiques changements de théâtre du Festin de pierre, ou l'Athée foudroyé, de Monsieur de Molière

Réclame pour le Festin de Pierre

Faisant la réclame du Festin de Pierre, ce texte devait accompagner la représentation de la pièce en annonçant aux spectateurs les effets produits par la comédie et par la « mise en scène ».

AVANT-PROPOS.

Si des cinq sens que la Nature a distribués pour la satisfaction de l’homme, l’ouïe et la vue tiennent l’âme dans un état capable d’en goûter un solide plaisir, on peut dire à la gloire de l’incomparable auteur du FESTIN DE PIERRE qu’il a fait de cet Ouvrage le plus aimable divertissement, qu’on puisse recevoir par ces deux portes de l’Âme, la diversité des Personnages, leur Caractère si bien touché dans le cours de cette pièce, fournissent tout ce que peut exiger le goût des Savants, et chaque Genre d’esprit y trouve à jouir des agréments de cette diversité surprenante, les six magnifiques changements de Théâtre qui secondent ce Poème, produisent de nouvelles beautés, et de tout ce que la Scène Française à l’imitation des Italiens, a pu mettre au jour sur ce sujet, ce dernier Festin de Pierre a couronné l’œuvre nous y contribuerons pour vos satisfactions tout ce que demande ce sujet dans sa représentation.

Argument du premier Acte.

L’Ouverture du Théâtre se fait par un magnifique Jardin. Après que les yeux ont eu loisir de se satisfaire à considérer sa beauté, Gusman valet de Don Elvire, Maîtresse de Don Juan, demande à Sganarelle son valet les desseins de son Maître, et ce qu’il a envie de faire après avoir trompé sa Maîtresse, Sganarelle lui fait un portrait de l’humeur de D. Juan, et renvoie Gusman aussi satisfait de lui que Don Elvire l’est de son Maître. Don Juan entre, et dit à Sganarelle qu’il veut faire un voyage sur Mer, Don Elvire le surprend, et tâche par ses pleurs et par ses remontrances d’émouvoir sa tendresse, et de lui faire tenir parole pour l’accomplissement du Mariage qu’il lui a promis ; elle ne gagne rien sur son esprit, et remet sa vengeance entre les mains du Ciel ; Sganarelle corrige son Maître, qui sans l’écouter l’oblige de le suivre partout, et s’en vont pour s’embarquer.

Argument du deuxième Acte.

Un Théâtre de Mer et de Rochers succède au superbe Palais du premier Acte, et sur le rivage Pierrot Marinier fait le récit à Charlotte sa Maîtresse du naufrage que D. Juan et Sganarelle ont essuyé, mais dans une naïveté capable de faire rire les plus sévères et par son discours et par sa représentation. D. Juan, Sganarelle et son valet arrivent ravis d’en être quittes à si bon marché, Don Juan aborde Charlotte, qui dans l’entretien qu’elle a avec lui, fait voir une innocence si pure, qu’on ne peut qu’on ne soit charmé, D. Juan qui promet Mariage à tout ce qui se présente à lui, donne la main à Charlotte ; Thomasse autre paysanne et fille de l’Hôte de D. Juan entend qu’il promet d’épouser Charlotte, elle lui fait des reproches sur son inconstance et qu’elle a laissé son honneur à sa bonne foi : ces deux paysannes jalouses l’une de l’autre, font naître une petite contestation, qui dans son genre n’a rien que d’agréable ; D. Juan se retire, leur promettant mariage à toutes deux, Sganarelle leur représente la mauvaise vie de son Maître qui l’écoute, et Sganarelle l’apercevant tourne tout d’une autre manière et se dégage du piège où son caquet l’allait faire tomber ; D. Juan cajole de nouveau Charlotte, et Pierrot son amant les trouvant sur le fait, donne matière à la risée dans l’expression de sa jalousie villageoise, et après avoir fait vingt postures toutes extraordinaires, se retire avec Charlotte : on vient avertir D. Juan qu’on le cherche, et Sganarelle qui veut avoir son congé, se voit forcé par son Maître, qui le menace de le tuer, d’être compagnon de sa fortune.

Argument du troisième Acte.

Ce Théâtre de Mer et de Rochers disparaît, et fait place à un bois, D. Juan pour éviter la poursuite de ses ennemis, se déguise, et Sganarelle paraît en Docteur, c’est dans cet entretien que l’opiniâtreté de Don Juan dans son Athéisme est combattue par de fortes raisons ; Un des Frères de D. Elvire qui s’était écarté dans le bois pour chercher D. Juan, sans le connaître, que sur le rapport que son frère lui en a fait, est attaqué par quatre voleurs. D. Juan lui sauve la vie, l’autre frère reconnaît D. Juan avec son frère, il veut avoir satisfaction de D. Juan par sa mort, celui que D. Juan a servi fait céder le devoir à la reconnaissance et se promettent de se rencontrer autre part ; cette poursuite fait résoudre D. Juan à s’en aller, et comme il est prêt de partir, ce Bois change sa verdure en autre Théâtre de Statues de marbre blanc, qui fait naître une autre satisfaction par son prompt changement, et dans le fond Sganarelle montre à son Maître une Statue de six pieds de haut sur un piédestal qu’il reconnaît être celle du Commandeur qu’il a tué ; Sganarelle l’invite à souper de la part de son Maître, la Statue répond par un mouvement de tête qui vous surprendra, D. Juan incrédule le prie lui-même, et se voyant surpris d’un autre signe de tête, il se résout d’attendre cette Statue.

Argument du quatrième Acte.

Cet Acte se passe dans une Chambre aussi superbe qu’on en puisse voir, D. Juan paraît triste des signes de tête de l’ombre, son Père le vient prier de changer sa vie et le rebute, Don Juan demande à souper, M. Dimanche Marchand, demande à parler à Don Juan, Sganarelle fait dire qu’il revienne une autre fois, son Maître lui commande de le faire entrer, et fait voir dans cette Scène ce que beaucoup de gens pratiquent aujourd’hui avec qui ils doivent et qui paient plutôt en paroles qu’en effet : on peut nommer cette Scène, la Belle Scène, puisque c’est une peinture du temps, Don Juan l’ayant fait sortir à force de civilités, il demande encore à souper ; on sert, Sganarelle n’oublie rien de ce qui peut faire rire, et par ses postures italiennes, divertit son Maître qui se voit contraint par son impatience, de le faire manger avec lui. On frappe trois fois, l’ombre entre, Don Juan la reçoit ; l’ombre tâche de l’émouvoir, et Don Juan poursuit dans ses mauvais sentiments, l’ombre pour vaincre son obstination lui donne le temps de songer au repentir, et souper. Don Juan promet, et malgré les conseils de son valet il veut risquer une si funeste entreprise.

Argument du cinquième Acte.

La décoration de cet Acte est un Théâtre de Statues à perte de vue, l’ouverture s’en fait par Don Elvire et un de ses Frères, qui lui conte comme Don Juan lui a sauvé la vie, et proteste de le chercher partout. Don Juan arrive avec son valet, et dit qu’il veut changer de vie et voiler ses crimes du masque de l’hypocrisie, sans avoir égard à ce que Sganarelle lui dit, au contraire, il en donne une marque, abusant encore de Thomasse et Charlotte, et leur promet de les marier richement, et les deux paysannes sont assez crédules pour se fier à sa parole. Don Elvire et son Frère tâchent d’avoir satisfaction de Don Juan, mais il refuse de la faire, sous prétexte que le Ciel s’y oppose, mais Don Elvire et son Frère voyant que c’est temps perdu, remettent leur querelle entre les mains de Dieu, et prédisent à Don Juan sa perte ; C’est dans cet Acte que la Justice divine se fait paraître, le Temps par un vol merveilleux qu’il fait sur le Théâtre avertit Don Juan de songer à lui et qu’il n’a plus qu’un moment à vivre ; Il rit de ces avertissements, l’ombre entre, qui voyant qu’il persiste dans sa méchante inclination, le fait abîmer dans un gouffre, précédé des éclairs et du Tonnerre, tout le Théâtre paraît en feu, l’ombre par un vol qui vous surprendra remonte en l’air, et Sganarelle qui ne voit plus son Maître, finit cette Tragicomédie par une fin dont on ne vous dit rien, pour vous en faire trouver plus de satisfaction quand vous la verrez.

Notre Comique se dispose à vous faire rire dans ce charmant Ouvrage, et garde pour la vue et l’ouïe ce que le papier ne peut exprimer.

FIN.

Texte saisi par David Chataignier, disponible sur Molière 21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »