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1695

Louis-François Ladvocat, Correspondance théâtrale entre Louis-François Ladvocat et l'Abbé Dubos

Mercure musical, vol. 2, 1 janvier 1906.

Lettre du 26 octobre 1695

Publiée au début du XXe siècle, cette correspondance présente un caractère exceptionnel de par les détails particuliers qu'elle donne sur différents spectacles. Voici les éléments saillants de la lettre du 26 octobre 1695 :

J'ai vu Mme de Xaintonge qui ne m'a rien dit de son fils, mais qui prétend que ses opéras sont aussi bons que ceux des deux auteurs modernes dont vous parlez.

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a de l'entêtement pour ses ouvrages et le peu de justice que l'on se rend là-dessus, joint au peu d'étude et à l'ignorance du grec et du latin, ne me persuaderont pas de la préférence de ses ouvrages à celle de ces deux messieurs. Le style et les caractères et les sentiments en sont si différents, et cependant Didon a eu un succès si favorable qu'il est plus aisé aux connaisseurs de dire ce qui est régulièrement bon que d'assurer ce qui plaira le plus au parterre. N'est-il pas vrai Monseigneur que la Foire de Besons a attiré autant de spectateurs qu'Iphigénie ? Peu de gens achèteront la première et beaucoup de savants liront Racine, qui seront instruits à des bonnes règles du théâtre et seront ravis de se perfectionner sur un aussi bon modèle.

Beaucoup de gens viennent pour le Ballet des saisons qui meurent d'impatience d'y retourner, et cela fut hier à telle extrémité que l'on refusa plus de 100 personnes. Les premières et deuxièmes loges étant doublées, on crevait dans le parterre et l'on était les uns sur les autres dans le paradis, et tout cela parce que Pecout y dansa une sarabande espagnole après les deux espagnoles et entre Letang. Il avait un habit de satin noir véritablement espagnol élevé sur la poitrine, fort serré du bas, les manches ouvertes au-dessus de la médiane du bras droit et du gauche et au-dessous du coude, et on voyait dans les ouvertures un taffetas bleu qui en emplissait le vide. Une très petite fraise de dentelles et sur les coutures et extrémités des diamants qui servaient aussi de boutons à son pourpoint. Sa tête était ombragée d'un castor à forme plate ornée d'un plumet d'une aigrette très espagnolisée. Les bas de soie bleus qui paraissaient vert au parterre et les souliers bordés d'une petite dentelle d'argent sur un maroquin noir sans ruban et attaché seulement avec une boucle. On peut dire qu'il dansa en maître et en savant espagnol, et je trouve ce ballet si divertissant et si amusant que j'ai grand peur qu'il diminue l'affluence que l'on espérait avoir à Jason et que le tragique cothurne n'en soit plus si fort à la mode.

Disponible sur Blue Mountain Project, p. 25-26.


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