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1659

Jean Loret, La Muse historique

Paris, Chénault, [1656-1665].

La Pastorale d’Issy

Dans sa lettre du 10 mai 1659, le gazetier relate la représentation d’une pastorale comique, la Pastorale d’Issy, considérée comme le premier opéra français :

J’allai, l’autre jour, dans Issy,
Village peu distant d’ici,
Pour ouïr chanter en musique,
Une pastorale comique,
Que Monsieur le Duc de Beaufort,
Étant présent, écouta fort,
Et pour le moins, trois cents personnes,
Y comprises plusieurs mignonnes
Aimables en perfection,
Les unes de condition,
Les autres, seulement, bourgeoises,
Mais si belles et si courtoises,
Qu’à peine voit-on dans les cours
Des objets si dignes d’amours.
L’auteur de cette pastorale
Est à son Altesse Royale
Monseigneur le duc d’Orléans,
Et l’on estime fort, léans.
C’est Monsieur Perrin, qu’il se nomme,
Très sage et savant gentilhomme,
Et qui fait aussi bien des vers,
Qu’aucun autre de l’univers.
Cambert, maître par excellence
En la musicale science,
A fait l’ut, ré, mi, fa, sol, la,
De cette rare pièce-là,
Dont les acteurs et les actrices,
Plairaient à des impératrices :
Et, surtout, la Sarcamanan,
Dont grosse et grande est la maman,
Fille d’agréable visage,
Qui fait fort bien son personnage,
Qui ravit l’oreille et les yeux,
Et dont le chant mélodieux,
Où mille douceurs on découvre,
A charmé, plusieurs fois, le Louvre.
Enfin, j’allai, je vis, j’ouïs,
D’un friand plaisir je jouis,
Et, mêmement, j’eus deux oranges
Des mains de deux visibles anges,
Dont, à cause qu’il faisait chaud,
Je me rafraîchis, comme il faut.
Puis, l’action étant finie,
La noble et grande compagnie
Se promena dans le jardin,
Qui, sans mentir, n’est pas gredin,
Mais aussi beau que le peut être
Le jardin d’un logis champêtre.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière 21.


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