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1661

Jean Loret, La Muse historique

Paris, Chénault, [1656-1665].

Actualités théâtrales

Dans sa lettre du 1er janvier 1661, Loret fait un compte-rendu du Tigrane de Boyer, signale la présence d'une nouvelle troupe à Paris, parle des préparatifs du Jason de Corneille (c'est-à-dire La Conquête de la Toison d'or) et annonce le retour des comédiens italiens :

Cependant que notre musette
Méditait sur cette gazette,
Ceux de l’Hôtel jouèrent, hier,
Le Tigrane du sieur Boyer, [La Troupe Royale, Comédiens de l’Hôtel de Bourgogne.]
Pièce, non seulement nouvelle,
Mais savante, touchante et belle ;
Et (ce m’ont dit quelques Bourgeois)
Jamais, pour la première fois,
Pièce n’attira tant de monde
De trois mille pas à la ronde,
Qu’illec, en furent assemblés,
Qui, tous, en sortirent comblés
De contentement et d’estime,
Pour cet ouvrage fortissime.
Les acteurs, tous gens studieux,
Représentant, à qui mieux mieux,
Ce sujet feint ou véritable,
Le firent trouver admirable.
J’espérais bien, au premier jour,
Aidant Dieu, la voir à mon tour,
Et d’y trouver fort bonne place,
Mais par une prompte disgrâce
On l’a défendue, aujourd’hui,
Dont l’auteur a beaucoup d’ennui.
Une troupe toute nouvelle,
Qui se dit à Mademoiselle,
Qu’on attendait, de longue main,
Joue au Faubourg de Saint-Germain.
Celle de Monsieur se prépare
À donner maint spectacle rare.
Les comédiens du Marais
Font un inconcevable apprêt,
Pour jouer, comme une merveille,
Le Jason de Monsieur Corneille.
Ainsi, pour plaire aux beaux esprits,
On voit cinq troupes dans Paris,
Y comprise celle d’Espagne ;
Et dans la prochaine campagne,
C’est-à-dire en avril, ou mai,
Où le temps devient doux et gai,
Nous aurons celle d’Italie,
De Scaramouche et d’Aurélie,
(Ou, si l’on veut, Aurélia)
Avec Trivelin, tant y a
Que voilà six troupes comiques,
Et je crois qu’aux siècles antiques,
Paris, quoique séjour des rois,
N’en vit jamais tant à la fois.
Quelque taciturne cervelle
Nommera ceci bagatelle,
Alléguant qu’elle ne vaut rien
Pour en faire un long entretien.
Mais disant qu’une seule ville
(Quoique florissante entre mille)
Contient cinq théâtres ouverts
À dire et déclamer des vers,
Pour faire valoir le cothurne ;
N’en déplaise à tout taciturne
(Sans, pourtant, en manquer aucun)
Cela, ma foi, n’est pas commun.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »