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1665

Edme Boursault, Lettres en vers

Lettres de respect, d'obligation et d'amour, Paris, Girard, 1669.

Revue des auteurs de théâtre

Une des gazettes de Boursault publiée tardivement concerne le le 19 juillet 1665, où il loue plusieurs pièces de Boyer et Corneille.

De peur de passer pour mazette,
Je ne ferais pas la Gazette,
N’était le conseil que j’ai pris
De tous Messieurs les beaux esprits.
Ces beaux esprits-là sont Corneille,
Qui passe pour une merveille,
Et qui satisfait à tel point
Qu’on voudrait qu’il ne mourût point.
Il prend trop de soin de sa gloire
Pour laisser mourir sa mémoire.
Tant que l’univers durera,
PETRUS CORNELIUS vivra.
L’immortalité qu’il dispense
Met son grand nom en assurance,
Et, puisqu’il éternise autrui,
Jugez ce qu’il fera pour lui.
Un autre esprit fort, qui souhaite
Que je fasse aussi la Gazette,
C’est Quinault : vous le connaissez ;
Dire son nom, c’est dire assez.
C’est un auteur doux, agréable,
À qui la scène est redevable.
Il écrit toujours tendrement,
Il conjugue AMO galamment.
Jamais auteur, hormis lui-même,
N’a tant de fois dit : « JE VOUS AIME ; »
Et de plus, selon le goût mien,
On ne l’a jamais dit si bien.
J’oubliais un autre homme illustre,
Qui du Languedoc est le lustre
Et qui, cadejous, est tout cur
(BOYERIUS SUB-AUDITUR).
C’est un auteur de fine trempe,
Jamais son Pégase ne rampe.
Quand il prend l’essor comme il faut,
D’ordinaire il monte si haut
Que bien souvent, quoiqu’on s’y tue,
On ne peut le suivre de vue.
Par des vers pompeux, cadedis,
Il soutient l’honneur du pays.
On peut ajouter à sa gloire
Que ce qu’il fait n’est point grimoire,
Et, qui dit un auteur bien pur,
BOYERIUS SUB-AUDITUR.
Encore un auteur qui veut presque
Que je fasse aussi du burlesque
Et qui croit que c’est mon talent,
C’est Gilbert, cet esprit galant,
Pour qui la canicule ardente
N’a point d’ardeur assez cuisante
Et qui, durant tous les hivers,
N’a de chaleur que dans ses vers ;
Qui compose au reste à miracle,
Qui s’explique comme un oracle,
Et qui fait si bien ce qu’il fait
Que chacun en est satisfait.
Je vous en viens de nommer quatre
Qui soutiennent jusqu’à se battre
Que je puis calmer le regret
Qu’a causé la mort de Loret,
Et que je suis en droite ligne
De ses successeurs le plus digne.
Pour me chatouiller l’appétit,
Ils me l’ont tant dit et redit,
Tant prôné que mon air d’écrire
Est un air propre à faire rire,
Que, sur un rapport si fameux,
À la fin je l’ai cru comme eux.
Mais (et n’en déplaise à Pégase),
Quand on est Gazette l’on jase.
Ma Muse, vous n’en saviez rien,
Je vous l’apprends ; jasez donc bien.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.

Édition de 1881 disponible sur Google books, p. 119-122.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »