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1665

La Gravette de Mayolas ; Adrien Perdou de Subligny, La Muse dauphine / Lettres en vers

Paris, Lesselin, 1665 et Paris, Chénault, 1665.

Nouvelles du théâtre

Dans sa lettre du 7 décembre 1665, Subligny rapporte le succès des comédiens italiens et la représentation de l'Alexandre de Racine à laquelle ont assisté le Roi et la Reine. Mayolas évoque les mêmes sujets dans sa lettre du 20 décembre 1665.

[Subligny]

Eularia, comédienne,
Traita ces jours passés avec beaucoup d’apprêt
Le roi dedans son cabaret,
Et les amours de cette Italienne
Parmi ses pintes et ses pots
Divertirent beaucoup ce glorieux héros.
Jamais, il faut que je le die,
Je ne ris tant qu’à cette comédie.
Le vendredi leurs Altesses royales
Virent dans leur Palais-Royal
Représenter enfin l’ouvrage sans égal
D’une des plumes sans égales :
Alexandre a parlé devant nos conquérants
Et fait des effets différents.
Si Monsieur, qu’on attend sur la terre et sur l’onde,
N’avait point déjà projeté
De passer ce héros qui vainquit tant de monde,
Il aurait admiré son sort et sa fierté.
Un des foudres de notre prince,
L’intrépide Condé, qui lui doit faire un jour
De cent pays une seule province
Dont il verra grossir sa cour,
Dans cette valeur ancienne
A vu le crayon de la sienne.
D’Enghien y remarqua des exemples pour lui ;
Cent jeunes guerriers d’aujourd’hui
Y prirent de nobles idées
De ce qu’ils pourront faire en tout autant de lieux
Où leurs armes seront guidées
Par ces princes victorieux.
Cent beautés furent voir cette pièce divine
Et, si mes yeux ne me trompèrent pas,
J’y vis une âme et délicate et fine
Sous les majestueux appas
De la princesse Palatine.
Tous les acteurs faisaient un jeu
Que toute la cour idolâtre.
Jamais tragédie au théâtre
Ne pourra faire un plus beau feu.
Il faut que son auteur soit homme de courage ;
On le voyait dépeint dans chaque personnage.
Ses sentiments y sont hardis,
Et surtout l’on y fut surpris
De voir le Roi Porus, à qui tout autre cède,
Y pousser la fierté de l’air d’un Nicomède.


[Mayolas, 20 décembre 1665]

Apostille.

L’aimable et belle Aurélia, [de la troupe des comédiens italiens.]
En qui grand esprit il y a,
A pris avec plaisir la peine
De faire mainte belle scène
D’un ouvrage plaisant et beau
Et qui de plus est tout nouveau,
Qui montre que La Bonne Femme
(Que cette ingénieuse dame
Représente d’un air charmant)
Fait parfois le mari méchant.
Je m’étonne, au siècle où nous sommes,
Qu’on y trouve de méchants hommes,
Car on dit pour plusieurs raisons
Qu’il en est grand nombre de bons.

Autre.

À l’Hôtel de Bourgogne on joue
Une pièce que fort on loue,
De même qu’au Palais-Royal.
L’ouvrage est rare et jovial :
Son seul nom vous le faire comprendre,
Puisqu’on l’intitule Alexandre ;
Et, sachant celui de l’auteur,
Excellent versificateur,
Qu’on nomme Monsieur de Racine,
Où la science s’enracine,
Je crois que vous ne doutez pas
Qu’il soit plein de force et d’appas.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »