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1667

Charles Robinet, Lettres en vers

Paris, Chénault, 1667.

Compte-rendu de Délie

Dans sa lettre du 29 octobre, Robinet annonce les représentations de Délie, pastorale de Donneau de Visé. Le 5 novembre, il en fait un long compte-rendu :

Un galant sujet pastoral
Se fait voir, au Palais-Royal,
Sur le théâtre de Molière ;
Mais, mon épître étant plénière, [Délie, pastorale par Jean Donneau de Visé.]
Je vous remets ailleurs le plat
Contenant ce mets délicat,
Quand j’en aurai tâté moi-même,
Car de tels mets je suis friand plus que de crème.


J’ai vu le sujet pastoral [Délie, pastorale par Jean Donneau de Visé.]
Qui se joue au Palais-Royal,
Et tout m’y paraît, je vous jure,
Et fait et dit en miniature.
Rien ne s’y trouve d’embrouillé,
Tout est joliment démêlé,
Et les pasteurs, qui sont de Grèce,
Expriment si bien leur tendresse,
Qu’ils la font passer dans les cœurs
Des moins sensibles auditeurs.
Un Licidas, un Céliante, [Les Srs la Grange et Hubert.]
Avec leur manière touchante,
Vous font envie à tous moments
De devenir, comme eux, amants,
Et la beauté de leur Délie, [Mademoiselle de Brie.]
Qui sous son empire les lie,
Vous fait partager leurs soupirs
Et faire avec eux des désirs.
D’ailleurs, une certaine Orphise, [Mademoiselle de Molière.]
Qui prétend droit sur la franchise
De l’un de ces mêmes pasteurs,
Montre des appas séducteurs
Qui tirent en secret, vers elle
Aussi, son hommage et son zèle ;
Et, pour vous dire ingénument
Dessus ce point mon sentiment,
On embrasserait ces bergères
Très volontiers sur les fougères.
Or, comme nous ne voyons pas
Beaucoup d’amants sans embarras,
Un Philène, ami du désordre, [le sieur du Croisy]
Vient donner du fil à retordre,
De belle importance, à ceux-ci,
Et son rôle plaît fort aussi.
D’ailleurs encor, un Périandre, [le sieur de la Thorillière.]
Qui pour Délie a le cœur tendre
Et vient de Thrace exprès chez eux
Pour lever un tribut fâcheux,
Les met encor bien en déroute ;
Mais avec plaisir on l’écoute,
Faisant le portrait de son roi,
Qu’il représente, en bonne foi,
Avecque tant d’augustes marques,
Que le plus parfait des monarques
Se trouve dedans ce portrait,
Et Louis s’y voit trait pour trait.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »