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1668

Charles Robinet, Lettres en vers

Paris, Chénault, 1668.

Comédies chez les Italiens

Dans sa lettre du 7 juillet 1668, Robinet consacre un long passage aux comédies présentement jouées chez les italiens. Le 14 juillet, il revient sur leur fameuse star, Aurelia.

Nos comiques italiens,
Les plus admirables chrétiens
Qui paraissent sur le théâtre,
Si que chacun les idolâtre,
Nous régalent, pour le présent,
D’un sujet, certe, archi-plaisant, [Le Théâtre sans comédie et les Comédiens juges et parties]
Je le puis dire sans contrôle,
Et même où chacun fait son rôle,
Sans nul doute, admirablement.
Ah ! que j’aime le testament
Que dit l'Arlequin malade,
Cet acteur qui n’a rien de fade,
Et son grotesque plaidoyer,
Où nous l’entendons foudroyer
Le Docteur qui, par l’émétique,
A fait faire une fin tragique
À Scaramouche, qui, mourant
Et sur le théâtre expirant,
Fait aussi rire à gorge pleine !
Qu’Eularia, magicienne,
Qui provoque à venger sa mort,
Par ses manières me plaît fort,
Et que très volontiers mes carmes
Préconisent ici ses charmes !
Que Trivelin, pareillement,
Me fait de bien à tout moment
Et, par sa belle humeur, dilate
Mon cœur, et mon foie et ma rate !
Et que le reste des acteurs,
De chagrins autant d’enchanteurs,
Me ravissent dans cette pièce
Où chacun se croit à liesse !
Mais que dire de leurs ballets,
Si bien concertés, si follets,
Et de leurs danseurs admirables
Dont plusieurs sont incomparables ?
Que dire de leurs grands concerts,
Où l’on reconnaît des experts
Les nouveautés et les merveilles
Dignes des royales oreilles ?
Que dire encor des ornements,
De tous les riches changements
Par qui la scène est si brillante,
Et si superbe, et si riante,
En un mot, du pompeux tombeau
De leur Scaramouche nouveau ?
Ah ! sans que la colle je fiche,
Je ne puis dedans cette affiche,
Non plus qu’eux dedans leur placard,
Vous en mettre même le quart.


Celle des acteurs d’Italie
De plus en plus paraît jolie
Par de surprenants incidents
Qu’ils mêlent chaque jour dedans ;
Et Cintio, fils d’Aurélie,
Dont l’âme est savante et polie,
Y fait le rôle d’un amant
D’un air si tendre et si charmant,
Ainsi que le célèbre Octave,
Toujours et si leste et si brave,
Qu’en vérité, qu’en vérité
Chacun s’en retourne enchanté.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »