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1668

Charles Robinet, Lettres en vers

Paris, Chénault, 1668.

Les théâtres en fête pour la naissance du duc d'Anjou

Dans sa lettre du 18 août 1668, Robinet relate les représentations gratuites données par les comédiens à Paris pour la naissance de Philippe-Charles de France (notamment Les Fâcheux et Le Médecin malgré lui), ainsi que les harangues faites à cette occasion par Floridor et Molière :

Mais, vraiment, les comédiens,
Tant les Français qu’Italiens,
Ont, depuis, témoigné leur zèle
De façon si noble et si belle,
Et sans aucun égard aux frais,
(Car on en fait, je vous promets,
Dedans une rencontre telle,
Tant en violons qu’en chandelle) ;
Ils ont, dis-je, d’un si bel air
Leur affection fait briller,
Donnant gratis la comédie
À quiconque en avait envie,
Et c’est-à-dire à tout Paris,
Qui la voulut voir à ce prix,
Qu’ils méritent bien que l’histoire
En conserve aussi la mémoire.

À l'Hôtel, le Sieur Floridor,
Lequel, quand il lui plaît, dit d’or,
Fit admirer sa belle langue
En une fluide harangue,
Touchant cette nativité
Qui cause notre gaieté.
Et, tant lui que sa compagnie,
De qui chacun le Ciel bénie
(Car je suis bien venu chez eux),
Firent, sans doute, de leur mieux,
Et c’est une chose pareille
Que si je disais à merveille.
[…]
Je dois, au spectateur loyal,
Dire aussi qu’au Palais-Royal
(Car j’y fus en très bonne place,
À Mademoiselle Hubert grâce),
L’excellente Troupe du Roi
Fit à ravir, en bonne foi,
Tant dans Les Fâcheux, qu’on peut dire
Des fâcheux qui nous font bien rire,
Que dans Le Médecin forcé,
Où, depuis qu’on a commencé
Jusqu’à la fin, que l’on s’épouse,
De rire, presque, l’on s’étouffe.
Mais, entre les deux, leur auteur,
Et qui l’est de belle hauteur,
Fit, en cinq ou six périodes,
Valant six des meilleures odes,
Un discours qui bien reçu fut,
Et dans lequel beaucoup me plut
Une comparaison d’Hercule,
Ou que sa chemise me brûle !
Outre cela, sous sept habits,
Aussi vrai que je vous le dis,
Ce brave auteur, le Sieur Molière,
Joua de façon singulière,
Et se surpassa ce jour-là :
C’est tout dire, disant cela.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »