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1679

Jean Donneau de Visé, Le Mercure galant

Paris, Au Palais, 1679.

Création de La Devineresse

Le Mercure galant de novembre 1679 consacre un long passage à La Devineresse, comédie à machine de Thomas Corneille et Donneau de Visé qui profite de l'actualité de la célèbre « Affaire des poisons ». Dans le numéro de décembre, après avoir mentionné le Statira de Pradon, il lui consacre à nouveau plusieurs lignes.

Enfin, Madame, La Devineresse, promise depuis si longtemps par la Troupe du Faubourg-Saint- Germain, a été représentée. Les désintéressés ont trouvé dans cette pièce tout ce que le titre leur en promettait et ils ne se sont pas seulement divertis aux scènes plaisantes dont elle est remplie, mais ils ont dit hautement que la représentation n’en pouvait être que fort utile, puisqu’elle détrompe les faibles en leur faisant voir que toutes les personnes qui se mêlent de deviner ne savent rien. Tous les tours d’adresse qu’ont accoutumé de faire ces sortes de gens, ou par un miroir, ou par un verre plein d’eau, sont des incidents de la comédie, aussi bien qu’un corps coupé par morceaux et une apparition du diable sorti par un mur sans y faire d’ouverture, qui sont des choses par lesquelles certains fourbes ont épouvanté ici bien des gens il y a quelques années. Ce qui doit convaincre de la fausseté de tout ce que prédisent les devineresses, c’est que ce sont toutes femmes de rien et par conséquent très ignorantes. Elles ont des intrigues qui leur font découvrir quantité de choses. Elles en disent beaucoup au hasard et s’acquièrent ainsi de la réputation à peu de frais parmi les dupes. Leurs manières de tromper sont développées la plupart dans la comédie qui se joue présentement et on ne doit pas être surpris des grandes assemblées qu’elle attire, puisqu’elle est fort réjouissante d’elle-même et qu’elle apprend à se garantir des pièges de tous les diseurs de bonne aventure.


[décembre 1679] Statira, pièce nouvelle de M. Pradon, a paru depuis peu de jours sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne et la Troupe de Guénégaud continue toujours La Devineresse, quoique commencée depuis plus de six semaines. Il vous est aisé de juger par là que la foule y est toujours fort grande. On ne doit point en être surpris, tout Paris disant qu’on ne peut jouer une pièce de meilleur exemple, ni plus utile au public. Chacun se détrompe des devineresses, en y voyant ce qui est arrivé depuis plusieurs années chez ces prétendues sorcières et c’est par cette raison que les maris y mènent leurs femmes, comme les mères y mènent leurs filles, afin qu’elles ne donnent jamais dans ces sortes de panneaux.

Texte disponible sur la plateforme OBVIL.

Mercure galant, novembre 1679, t. 12, p. 336-339.


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