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1657

Jean Loret, La Muse historique

Paris, Chénault, [1656-1665].

Tragédie scolaire en latin

La lettre du 13 août 1657 de Loret relate la tragédie de fin d'année donnée au collège de Clermont. Il mentionne avec humour le problème que pose une pièce en latin.

L’autre jour, je dressai ma marche
Vers le collège de la Marche,
Et là je vis représenter,
Autrement j’ouïs réciter,
Un poème de conséquence,
Mais toutefois dont l’excellence
Ne fut pas pour moi grand festin,
Étant poète et pas latin.
Ce docte sujet de théâtre
Était grave et non pas folâtre,
Et l’auteur l’avait consacré,
Par honneur et de son bon gré,
Au duc François, prince fort sage,
Et, comme on sait, de haut lignage
Qui l’écouta paisiblement,
Et Monsieur son fils mêmement,
Qu’avec une juste louange
On peut nommer beau comme un ange.
Ce poème en bons vers latins
Parlait des glorieux destins,
Des faits et des vertus morales,
Et des qualités sans égales
Du fameux et grand Godefroy,
Qui de Jérusalem fut roi.

Ne comprenant rien au langage,
Dont était composé l’ouvrage,
J’étais sans cesse sommeillant.
Mais enfin en me réveillant,
J’eus des attentions exactes,
Quand on récita les entractes
Et les plaidoyers singuliers
Pour et contre les écoliers.
Car, étant en française rime
Et d’un bel esprit que j’estime
(À savoir, Colletet le fils),
Mon profit, tout à fait, j’en fis
J’en fis mon profit, c’est-à-dire
Qu’ils m’excitèrent tant à rire
Que, quand j’y songe seulement,
J’en ris encore à tout moment.
Toute la grande compagnie
Admira ce nouveau génie
Et sans mentir, ce jeune auteur
Fait voir et de belle hauteur,
Par son talent extraordinaire,
Qu’il est digne fils de son père,
Dont les polis et charmants vers
Sont aimés de tout l’univers.

Édition de 1857 disponible sur Gallica, p. 366-367.


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