centre informatique – Les Globes de Mercator de l'UNIL https://wp.unil.ch/mercator Le récit d'une découverte à l'Université de Lausanne Tue, 25 Aug 2020 14:10:41 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.5.1 Cartouches https://wp.unil.ch/mercator/les-cartouches-celestes/ Mon, 29 May 2017 12:17:19 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4267 [...]]]> La sphère céleste est garnie de deux cartouches, l’un de dédicace, l’autre précisant la propriété intellectuelle, ainsi que d’une inscription signalant le lieu et la date d’édition.
DédicacePropriété intellectuelleEdition
Un premier cartouche renferme la dédicace à l’évêque de Liège surmontée de ses armoiries.

Georges d’Autriche (1505-1557), comme Nicolas Perrenot pour le globe terrestre, est un grand personnage de son temps. Fils naturel de l’empereur Maximilien Ier, il commence une carrière ecclésiastique en 1525 comme évêque de Brixen. Il doit sa position de prince-évêque de Liège, à laquelle il accède en 1541, à l’empereur Charles Quint, qui souhaite placer un homme dévoué à cette place stratégique.

Ampliss[imo] Praesuli Principiq[ue] ill[ustrissi]mo Georgio ab Austria Dei dispositione Episcopo Leodiensi, Duci Bullonensi, Marchioni Fracimotensi, Comiti Lossensi, etc, mecoenati optime merito dd. Gerardus Mercator Rupelmondanus.

Ampliss[imo] Praesuli Principiq[ue] ill[ustrissi]mo Georgio ab Austria Dei dispositione Episcopo Leodiensi, Duci Bullonensi, Marchioni Fracimotensi, Comiti Lossensi, etc, mecoenati optime merito dd. Gerardus Mercator Rupelmondanus.
Au plus grand patron et très fameux prince Georges d’Autriche, évêque de Liège par la grâce de Dieu, duc de Bouillon, marquis de Franchimont, comte de Looz, etc. et le plus méritant des mécènes, Gérard Mercator de Rupelmonde donne et dédie ce globe.
Un second cartouche sert de cadre à la protection intellectuelle du globe. Il stipule en effet que Mercator a obtenu en sa faveur une défense d’imitation et de vente pour dix années.

Inhibitum est ne quis hoc opus imitetur, aut alibi factum vendat, intra fines Imperii, vel prouinciarum inferiorum Caes. M[aiesta]tis ante decennium, sub poenis et mulctis in diplomatibus cotentis. Obernburger & Soete subscrib[unt]

Inhibitum est ne quis hoc opus imitetur, aut alibi factum vendat, intra fines Imperii, vel prouinciarum inferiorum Caes. M[aiesta]tis ante decennium, sub poenis et mulctis in diplomatibus cotentis. Obernburger & Soete subscrib[unt]
Il est interdit pour qui que ce soit d’imiter cette oeuvre ou d’en vendre une faite ailleurs, dans les frontières de l’empire ou dans les Provinces-Unies de sa majesté impériale, avant une décennie, selon les peines et amendes établies par documents officiels. Obernburger et Soete signent
Mercator a soin aussi de marquer le lieu et la date de la publication, inscription que l’on retrouve sous la queue du Poisson méridional lui-même sous la constellation du Capricorne.

Louanij anno Domini 1551 mense Aprili

Louanij anno Domini 1551 mense Aprili.
A Louvain en l’an du Seigneur 1551, au mois d’avril.
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Constellations https://wp.unil.ch/mercator/les-constellations/ Mon, 29 May 2017 12:16:18 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4265 e siècle [...]]]>
Est-ce par simple désir de se rendre le monde nocturne familier que les hommes ont ainsi peuplé le ciel de personnages mythologiques et d’animaux variés ? Certainement pas. La sphère étoilée était un complément indispensable à la géométrie de la sphère ; elle permettait de localiser concrètement dans le ciel les cercles fondamentaux de la sphère céleste ; elle fournissait à la Sphérique son application pratique.Germaine Aujac

Du point de vue de la représentation et de la nomenclature des constellations, le globe céleste de Gérard Mercator est le plus complet du XVIe siècle. Mercator utilise entre autre des figures transmises par la tradition littéraire inspirée de sources grecques. Il s’affiche ainsi parfois moins en astronome qu’en homme de la Renaissance en exerçant son sens critique dans la sélection de ses sources.

Chaque constellation est répertoriée sous son nom latin et grec, avec en complément la translittération de son nom arabe ou ce qui passait pour telle au XVIe siècle. Mercator doit avoir consulté plusieurs sources pour sa nomenclature et il semble avoir procédé de manière encyclopédique. Son érudition en matière d’étoiles est livresque, il n’est pas question d’observation astronomique.

Les Pléiades par Mercator

Les Pléiades, représentation moderne. Source : stellarmap.com

Les Pléiades

Le groupe des Pléiades est connu depuis l’Antiquité. Certaines étoiles de cette constellation sont perceptibles à l’œil nu. Le catalogue stellaire de Ptolémée et ceux qui en dérivent, en décrit seulement quatre. Le globe de Mercator en présente sept.

Portfolio des constellations
Mercator apporte un grand soin pour rendre ses globes utiles. Si les opuscules d’origine qui accompagnaient les globes ont été perdus, Mercator parle des nombreuses applications de sa sphère céleste dans une copie du Declaratio insigniorum utilitatum découverte à Milan. En expliquant certaines manipulations, sa sphère céleste peut, suggère-il à ses contemporains, servir à :
  • Apprendre « la quantité du jour », c’est-à-dire la latitude et l’heure du lever et du coucher du soleil ;
  • reconnaître les étoiles du ciel, même sans en avoir la moindre connaissance préalable ;
  • fournir le moyen de mesurer la hauteur d’une étoile ou du soleil au-dessus de l’horizon et la distance du soleil au-dessous de l’horizon ;
  • indiquer le temps que met une étoile à achever son cours au-dessus de l’horizon, depuis son lever jusqu’à son coucher ;
  • déterminer la méridienne d’un lieu ;
  • trouver la latitude d’un pays ;
  • détecter le signe et le degré du Zodiaque où se trouve le soleil ;
  • juger l’époque de l’année à laquelle une étoile doit passer le méridien à minuit ;
  • reconnaître l’heure à laquelle une étoile atteindra le méridien ;
  • saisir le temps du crépuscule.
Pour en savoir plus
  • Union Astronomique Internationale / International Astronomical Union
  • Aujac, G. (1976) « Le ciel des fixes et ses représentations en Grèce ancienne », in : Revue d’histoire des sciences, Vol. 29, N° 4, pp. 289-307 [URL].
  • Dekker, E., Krogt, P. van der (1994) « Les globes », in : Watelet, M. (1994), pp. 242-267.
    Dekker, E. (2013) Illustrating the phaenomena : celestial cartography in Antiquity and the Middle Ages, Oxford : Oxford University Press.
  • Whitfield, P. (1995) The Mapping of the Heavens, London : The British Library.
  • Woodward, D. (2007a) Cartography in the European Renaissance, « The history of cartography » (J.B. Harley & D. Woodward, eds.), Vol. 3, Chicago : The University of Chicago Press, Parties I-3, I-4, I-5, pp. 53-173.
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Sphère céleste https://wp.unil.ch/mercator/la-sphere-celeste/ Mon, 29 May 2017 12:15:52 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4263 [...]]]>
Dans le tissu de l’espace comme dans la nature de la lumière, figure, en tout petit, la signature de l’artiste.Carl Sagan

La sphère céleste de Mercator est cerclée par un méridien de laiton coiffé au pôle d’un cadran horaire (absent de l’exemplaire lausannois) et par un anneau d’horizon qui indiquent les principales fêtes religieuse et leurs dates ainsi que les douze signes du Zodiaque et permet des pronostics astrologiques.

La sphère est composée de 12 fuseaux limités à 70° de latitude nord et sud et chaque région polaire est complétée d’une calotte circulaire. Les fuseaux célestes sont alignés selon les coordonnées équatoriales plutôt que les coordonnées de l’écliptique ; ils se rencontrent aux pôles célestes qui coïncident avec l’axe de support de la sphère.

Une grande partie de la zone autour du pôle Sud est vierge, Ce n’est pas étonnant, puisque cette zone n’était pas perceptible sous les latitudes européennes. Les étoiles dont la déclinaison est supérieure à 66°30’, en valeur absolue, font ainsi défaut. Les constellations sont nommées en latin et en grec, avec leur translittération arabe.

Le globe fabriqué par Mercator indique une correction précessionnelle de 20°55’, ce qui est conforme à la théorie de Nicolas Copernic. L’équateur et l’écliptique sont gradués et leurs degrés y sont numérotés de dix en dix. Le premier méridien passe tout près de la queue des Poissons qui est figuré au-dessous de l’aile de Pégase.

L’anneau d’horizon, ou horizon rationnel, est divisé dans le sens de sa largeur, en deux moitiés :

  • la moitié interne offre, du dedans au dehors, la division en degrés, les signes du Zodiaque, les jours et les mois du calendrier romain, les principales fêtes de l’église, les principaux vents des différentes saisons ;
  • la moitié externe porte des pronostics astrologiques, une trace de l’astrologie arabe qui comptait encore des adeptes au XVIe siècle ; des historiens supposent que Mercator, en les inscrivant doit avoir fait une concession aux croyances populaires.
Reproduction des fuseaux du globe céleste : horizon et calottes

© Bibliothèque royale de Belgique, avec permission

Les formes et les dimensions relatives des étoiles fixes de six grandeurs différentes ainsi que les nébuleuses sont marquées. Mercator en donne les modèles vers le sommet de la sphère au-dessus de la constellation des Gémeaux.

Magnitudines stellarum (tailles des étoiles). © UNIL Magnitudines stellarum (taille des étoiles). © Bibliothèque royale de Belgique, avec permission

Indépendamment de la voie lactée et d’un grand nombre d’étoiles non rattachées à des groupes symboliques, Mercator représente presque l’ensemble des 1022 étoiles ptolémaïques (on dénombre 934 étoiles selon J. van Raemdonck), agencées entre 51 constellations au lieu des 48 constellations courantes depuis l’Antiquité. Il représente ainsi en plus :

  • Antinous, formée de 6 étoiles, située sur l’équateur au-dessous de l’Aigle. Cette constellation est étroitement associée à celle de l’Aigle dont elle emprunte les étoiles australes. Elle ne fait plus partie de la carte moderne du ciel depuis 1930.
  • Lepus, formée de 12 étoiles, située dans l’hémisphère sud sous les pieds d’Orion ;
  • Cincinnus (Caesaries, Berenicis crinis, Trica) formée d’une étoile et 2 nébuleuses, localisée dans l’hémisphère boréal sous la queue de la Grande Ourse. La Chevelure de Bérénice figure dans la liste officielle des constellations depuis 1930 ;
  • Canicula (Almogelsa, Alschere, Procyon) placée dans l’hémisphère boréal au-dessous de la queue de l’Ecrevisse, à sa place véritable, contrairement à Jocodus Hondius qui la localisera plus tard dans l’hémisphère austral.
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Représentation des constellations https://wp.unil.ch/mercator/representation-des-constellations/ Sat, 29 Apr 2017 08:36:28 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4243 [...]]]> Les détails des globes célestes révèlent les aspirations de leurs constructeurs, soit qu’ils décident de suivre les traditions iconographiques existantes, soit qu’ils préfèrent créer de nouvelles ébauches dans la représentation des constellations.

Mercator s’écarte à plusieurs reprises de son maître Gemma Frisius. Pour les experts, telle Elly Dekker (1994), il semblerait qu’il a tenté de concilier les opinions de Claude Ptolémée et celles de Nicolas Copernic.

Par exemple, la constellation de la Lyre était, au XVIe siècle, traditionnellement représentée par un oiseau, ou par la combinaison d’un oiseau et d’une sorte de viole. Ces images découlent de l’influence arabe dans la diffusion de l’Almageste. Par soucis d’exactitude, Mercator y substitue le Vultur cadens, un instrument de musique d’origine grecque inconnu du monde arabe. L’Almageste, dans sa version grecque, décrit effectivement la Lyre comme composée d’une « carapace » (c’est une carapace de tortue, qui avait été utilisée par Hermès pour fabriquer la toute première lyre), de cornes et d’une traverse.

Quelques figures humaines apparaissent vêtues à la romaine alors qu’elles sont nues sur le globe de Frisius.

Les aspirations cartographiques de Mercator apparaissent également à la lecture de la considérable nomenclature des constellations et des étoiles individuelles. Les constellations sont identifiées sous leurs noms latin et grec, avec la translittération en arabe ou ce qui passait pour telle. Ce travail témoigne de l’érudition de l’auteur. Le globe céleste est, de ce point de vue, le plus complet du XVIe siècle. Quelques ajouts de Mercator :

  • Ceginus (Gamma Bootis, Phi Bootis),
  • Incalurus (Mu Bootis),
  • Saclateni (Êta Aurigae),
  • Angetenar (Tau Eridani),
  • Acarmar (Thêta Eridani),
  • Alphart (Alpha Hydrae),
  • Markeb (Kappa Puppis, Kappa Velorum)
  • etc.
Pour en savoir plus
  • Constellations : du point de vue de la représentation et de la nomenclature des constellations, le globe céleste de Mercator est le plus complet du XVIe siècle.
  • Dekker, E., Krogt, P. van der (1994) pp. 260-263.
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Précession des équinoxes https://wp.unil.ch/mercator/precession/ Sat, 29 Apr 2017 08:18:38 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4237 [...]]]>

L’influence copernicienne apparaît dans la précession des équinoxes, le changement graduel de l’axe de rotation. Mercator applique la nouvelle vision de Nicolas Copernic dans le calcul des positions stellaires qui, d’après la théorie copernicienne, se réfèrent à l’année 1550.

Le calcul correctif de la précession des équinoxes est le plus gros problème astronomique à résoudre pour un utilisateur des positions stellaires ptoléméennes. Un catalogue d’étoiles, qui détermine les coordonnées selon un système de référence en lente évolution, donne toujours les positions pour un moment donné, appelé époque. Pour calculer les positions des étoiles à des époques ultérieures sur la base des catalogues existants, on augmente les longitudes écliptiques des étoiles d’une valeur constante. Celle-ci était déterminée à l’aide de la théorie courante de la précession.

Au XVIe siècle, plusieurs théories précessionnelles coexistent ; les valeurs de correction de la précession, c’est-à-dire l’augmentation de la longitude par rapport à celle de l’époque de Ptolémée pouvaient varier énormément.

Dans ce domaine, Mercator s’écarte à nouveau de son maître Gemma Frisius. En comparant les deux globes, on constate, par exemple, une différence dans la longitude de l’étoile Regulus. La correction précessionnelle du globe de Frisius (1537) s’avère de 19°40’, alors que celle de Mercator (1551) est de 20°55’. Selon les normes modernes, une différence de 1°15’ signifierait une différence d’époque de presque 90 ans. Cela contraste avec les 14 ans qui séparent réellement les deux globes. Car, il faut noter que les concepteurs de globes célestes choisissent toujours pour leur réalisation une époque proche de leur date de fabrication.

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Positions stellaires https://wp.unil.ch/mercator/positions-stellaires/ Sat, 29 Apr 2017 08:18:05 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4235 e siècle diffèrent entre eux, déformés au fur et à mesure de leur transmission et des éditions. Au gré de celles-ci, les positions des étoiles présentent ainsi des différences [...]]]> Les catalogues stellaires du XVIe siècle, tous inspirés de Ptolémée, diffèrent néanmoins entre eux, déformés au fur et à mesure de leur transmission et des éditions. Au gré de celles-ci, les positions des étoiles présentent ainsi des différences.

Des variantes apparaissent entre le globe de Gemma Frisius (1537) et celui de Mercator (1551), par exemple dans la représentation du Bélier ou des Gémeaux. Cela porte à croire que Mercator a puisé dans des sources différentes pour positionner les étoiles. Comme son globe est ultérieur, c’est sans doute qu’il a jugé celles-ci plus pertinentes.

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Coordonnées astronomiques https://wp.unil.ch/mercator/coordonnees-astronomiques/ Sat, 29 Apr 2017 08:17:40 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4233 e siècle et Tycho Brahé (1540-1601), pour que celles-ci deviennent plus précises [...]]]> Gravure du XVIIe siècle

Durant des siècles, les positions des étoiles sont empruntées au catalogue d’étoiles de l’Almageste de Claude Ptolémée et il faut attendre la fin du XVIe siècle, et les nouvelles observations de Tycho Brahe (1540-1601), pour que celles-ci deviennent plus précises.

Au XVIe siècle, les savants tels Gemma Frisius ou Gérard Mercator, son élève, ont accès à des catalogues d’étoiles qui possèdent tous un point commun : les positions y sont décrites dans un système de coordonnées dont le plan fondamental est l’écliptique. Sur un globe céleste, tel celui de Frisius en 1537, les méridiens sont en général tirés du pôle écliptique Nord au pôle écliptique Sud, et non comme c’est le cas pour un globe terrestre, du pôle équatorial Nord au pôle équatorial Sud.

Le globe céleste de Mercator est par contre un des rares exemples qui s’écarte de l’usage de l’époque pour déployer un système de coordonnées équatoriales, le distinguant des autres constructeurs de globes célestes de son temps. Il s’agit d’une démarche qui est loin d’être évidente pour près de mille étoiles et les experts supposent que Mercator devait disposer d’une méthode efficace de conversion des coordonnées, portant à croire qu’il a utilisé un astrolabe universel.

Schéma des coordonnées équatoriales
Dans ce système, la Terre est au centre. Le prolongement de son équateur sur la sphère céleste donne l’équateur céleste (cercle bleu). De même pour ses pôles nord et sud. L’écliptique (cercle jaune) est le plan de l’orbite de la Terre autour du soleil. Le cercle horaire, ou méridien de l’étoile considérée, est le grand cercle passant par les pôles et l’étoile elle-même. L’intersection de l’écliptique avec l’équateur céleste définit deux points. Celui pointant dans la constellation des Poissons s’appelle le point vernal. A partir de ce point, on établit l’ascension droite sur l’équateur céleste (ligne rouge horizontale). La déclinaison est déterminée à partir de la position de l’objet sur le méridien (ligne rouge verticale).
© Autiwa, source : Wikipedia.
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Influences et sources https://wp.unil.ch/mercator/influences-et-sources-celestes/ Sun, 23 Apr 2017 12:54:15 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4219 e siècle avant Jésus-Christ, les astronomes grecs représentent le ciel sous la forme d’une sphère [...]]]>
Les positions stellaires, la précession et le style des constellations, la nomenclature utilisée pour les étoiles et leurs figures sont des critères permettant aux constructeurs de globes de se distinguer. […] La comparaison du globe céleste de Gemma Frisius avec celui de Gérard Mercator prouve que ce dernier utilisa des sources très différentes et bien plus récentes que Frisius.Elly Dekker

Certains historiens considèrent, à la suite de Fiorini (1899) ou de Stevenson (1921), que Mercator n’avait pas le même talent en astronomie qu’en géographie, même si son globe céleste reste un travail scientifique remarquable. Cependant des études plus récentes, plus particulièrement celles d’Elly Dekker, montrent que la spère céleste de Mercator offre de sérieuses améliorations par rapport à celles qui l’ont précédée, principalement celle de Gemma Frisius.

Gravure tirée de l'ouvrage "Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres" de Blanche Marantin et Guillaume Chaudiere, Paris, 1584 Portrait anonyme posthume (copie d'une gravure de 1541), 1580 Gravure du XVIe siècle, P. Galle Portrait anonyme, School of Mathematics and Statistics, University of St Andrews

Les informations astrologiques fournies par le globe céleste découlent de sources traduites qui lui sont contemporaines. Mercator utilise par exemple le De supplemento, un almanach de Girolamo Cardano, dont la première édition à Milan date de 1538 et qui sera réimprimé à Nuremberg en 1543.

Mercator connaît également le Tetrabiblos de Claude Ptolémée, une étude mathématique en quatre livres, traduite et éditée par Joachim Camerarius à Nuremberg en 1535. Comme tous ses contemporains, Mercator pratique également l’astrologie et en fait la promotion à travers la production de son globe céleste.

A côté de l’information à jour que Mercator présente sur la nature des étoiles, les positions de celles-ci sont fixées selon la toute nouvelle théorie de la précession des équinoxes publiée par Nicolas Copernic en 1543 dans son De revolutionibus orbium coelestium, livre posant les bases de l’héliocentrisme. Mercator est ainsi le premier fabriquant de globes à utiliser cette théorie.

Pour en savoir plus
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Cartouches https://wp.unil.ch/mercator/cartouches-terrestres/ Fri, 21 Apr 2017 13:23:33 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4196 [...]]]> Le globe terrestre compte sept cartouches de texte ; la plupart sont en réalité des légendes, un peu plus longues qu’à l’accoutumée, renseignant sur des détails géographiques. Deux autres donnent des informations sur la conception du globe.
SignatureDédicaceEchelleVilles d'EuropeLégendes
Il y a d’abord le cartouche qui signe le globe comme ayant été réalisé par Mercator et qui donne son année d’édition, ou plutôt l’année de réalisation des plaques d’impression en cuivre.

Edebat Gerardus Mercator Rupelmundanus cum privilegio Ces. Maiestatis ad an. sex Louanii an. 1541

On trouve ensuite un cartouche de dédicace au Seigneur de Granvelle, Nicolas Perrenot.

Nicolas Perrenot est un personnage très important de son temps car il fut chancelier à la cour de Charles Quint et même proche conseiller de l’empereur. En 1541, il occupe depuis neuf années la fonction de garde des sceaux. Cette dédicace est surmontée des armes du seigneur de Granvelle et de la devise « Sic visum superis » (Ainsi tu verras le monde par en haut).

Illustriss[imo] D[omi]no Nicolao Perrenoto Domino a Granvella Sac[rae] Caesareae Ma[iesta]ti a consiliis primo dedicatu[m]

Un troisième cartouche peut être comparé à l’échelle de nos cartes. Face à la variété des unités de mesure utilisées de son temps, Mercator y donne une clé de conversion entre certaines d’entre elles.

Si quorum voles locoru[m] distantia[m] cognoscere lector, circinu[m] eoru[m]de[m] distantiae adaptatu[m] in aequatore[m] transferto hic tibi q[ua]libet particula i[n]tercepta mille aria referet Hyp:18, Gal:20, Germ:15, Milia pas:60, Stadia:500

Si toi, lecteur, tu veux connaître la distance de certains lieux, prends leur mesure adaptée du compas et place-le sur l’équateur ; il montrera 18 milles espagnols, 20 milles français, 15 milles germains, 60’000 pas, 500 stades.
La zone européenne étant très densément décrite, Mercator a été contraint de placer dans un cartouche annexe le nom de certaines villes, remplacées par un simple numéro sur le globe.

Europae aliquot insigniorum civitatum nomina, quae suis inferi locis angustia operis prohibuit

Voici les noms de quelques célèbres cités d’Europe, que l’étroitesse de l’objet empêchait d’indiquer en dessous de leur emplacement.

Albionis (Angleterre)
1 Saltzburgum (Salisbury)
2 Bristou (Bristol)
3 Vestchester
4 Chester (Chester)
5 Jorc (York)

Scotiae (Ecosse)
6 Edinburgum regia (Edimbourg)
7 Catnes

Hyberniae (Irlande)
1 Unflor
2 Solli
3 Dondal (Dundalk)
4 Dubelyn (Dublin)
5 Wacfort (Wateford)
6 Lamerich (Limerick)
7 Galuei (Galway)

Hispaniae (Espagne)
1 Bermeo (Bermeo)
2 Soria olim Numantia (Soria autrefois Numance)
3 Burgus (Burgos)
4 Compostella (Compostelle)
5 Marbella (Marbella)
6 Bera
7 Carthago nova (Carthagène)
8 Valentia (Valence)
9 Tarracon (Tarragone)
10 Barsalona (Barcelone)

Galliae (Gaule)
1 Monspessulanus (Montpellier)
2 Tullium (Toul)
3 Roari (Rouen)
4 Verodunum (Verdun)
5 Sedunum (Sion)
6 Basilea (Bâle)
7 Colonia Agrippina (Cologne)
8 Gandanum (Gand)
9 Amsterodamum (Amsterdam)

Germaniae (Allemagne)
1 Marcheburgum olim Amasia
3 Francofordia (Francfort)
4 Augusta Vindelicorum (Augsburg)
6 Norenberga (Nuremberg)
7 Praga (Prague)
8 Erfordia (Erfurt)
9 Brunsuiga (Brunswick)
10 Hamburgum (Hambourg)
11 Copenhaga metropolis Daniae (Copenhague capitale des Danois)
12 Arhusen (Aarhus)
13 Schlesibyc (Schelswig)
14 Lubecum (Lübeck)
15 Stetin (Szczecin)
16 Brandenburgum (Brandebourg)
Italiae (Italie)
1 Patavium (Padoue)
2 Aquilegia (Aquilée)
3 Florentia (Florence)
4 Perusium (Pérouse)
5 Sessa
6 Policastro (Policastro Bussentino)
7 Brundusium (Brindisi)
8 Adria

Greciae (Grèce)
1 Messena (Messine)
2 Corinthus (Corinthe)
3 Athenae (Athènes)
4 Ambracia nunc Narta (Ambracie maintenant Narte)
5 Thessalonica (Thessalonique)
6 Philippipolis
7 Adrianopolis (Edirne)

Enfin, trois lieux ont droit à une légende plus détaillée placée dans un cartouche ; un se trouve en Europe, un en Asie et le dernier à proximité de l’Antarctique.

Albion & Hybernia insulae communi nomine Britannicae vocantur

Les îles d’Albion et d’Hybernia communément appelées Iles Britanniques

Mangi nobilissima provincia 9 habet in se regna & 1200 civitates, evicta est a Tartaroru[m] Imp[eratore] Cublai anno 1268. Inter Mangi aute[m] et Zipangri insulam 7448 numeratas ait a nautis insulas M. Paul. Venetus lib. 3. cap. 8.

Mangi la plus noble des provinces, qui contient 9 royaumes et 1200 cités, a été vaincue par l’Empereur des Tartares, Kubilai, en 1268. M. Paulus Venetus dit, livre 3 chapitre 8, qu’entre Mangi et l’île de Cipango les marins auraient compté 7448 îles.

Insulas hic uspiam esse testatur M. Paul. Venetus in quibus certo anni tempore ruc avis apparet tam vastae magnitudinis ut elephantem in sublime attollat

M. Paulus Venetus atteste que des îles se trouvent quelque part ici, parmi lesquelles apparaît, à certaines périodes de l’année, le Rokh, un oiseau de si grande taille qu’il soulèverait un éléphant dans les airs.

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Bestiaire https://wp.unil.ch/mercator/bestiaire/ Thu, 20 Apr 2017 09:56:36 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3955 [...]]]>
Pour nous, les figures pittoresques émergeant de l’eau pourraient être des illustrations de livres d’enfants […]. À cette époque, il existait une croyance persistante de l’existence des griffons, unicornes, dragons, du phénix, de races monstrueuses […]. La science moderne était dans l’enfance […] et en ces temps, l’imagination médiévale était toujours libre de façonner ses propres formes du monde naturel.Joseph Nigg
On repère dans le Pacifique Sud un taureau des mers inspiré de la vacca marina d’Olaus Magnus. La tradition, héritée de Pline l’Ancien, voulait que toute créature sur terre et dans les cieux possède sa contrepartie dans les mers. Cette idée persiste encore dans notre langue, à travers des mots comme poisson-volant, concombre de mer ou poisson-scie. Mercator nous donne ici une représentation du taureau des mers nettement plus détaillée que celle d’Olaus Magnus.

Dans le domaine de la cartographie, les illustrations de monstres marins ou d’autres créatures exotiques semblent relever de plusieurs objectifs complémentaires ; pour le cartographe, il s’agit :

  • d’animer l’image du monde par des éléments décoratifs,
  • de remplir d’informations des espaces encore vides,
  • d’attirer l’attention sur la vitalité des océans et la variété de ses créatures,
  • de suggérer que les océans et les terres inconnues peuvent être sources de dangers,
  • d’être la mémoire graphique de la littérature sur le sujet,
  • de donner des points de repères dans une géographie du merveilleux,
  • d’attirer l’attention sur le talent artistique du cartographe qui pouvait ainsi monnayer son travail à la hausse selon la qualité et la quantité des illustrations.
Bestiaire marin et terrestre

Pour les historiens, trois représentations de monstres marins sont prééminentes dans la cartographie de la Renaissance : la Carta Marina d’Olaus Magnus (1539), la carte Monstra Marina & Terrestria (1544) de Sebastian Münster, inspirée en partie d’Olaus Magnus, et la carte Islandia d’Abraham Ortelius parue dans les éditions du Theatrum Orbis Terrarum (1586) et inspirée des deux précédentes réalisations.

Gérard Mercator est particulièrement influencé par la Carta marina d’Olaus Magnus. Celle-ci contient la collection de monstres marins la plus vaste, la plus variée et la plus complète de son époque.

Le globe terrestre de Mercator est illustré de onze monstres marins dont sept sont tirées de la Carta marina d’Olaus Magnus, deux autres dérivent de l’ouvrage Historia general de las Indias de Gonzalo Fernandez de Oviedo (1535), un livre qui représente les toutes premières images d’animaux d’Amérique. Mercator a sans doute utilisé à la fois Magnus et Oviedo pour démontrer sa capacité à synthétiser les sources les plus récente. Aux monstres marins, il ajoute un seul et unique animal terrestre.

Dans le Pacifique, on aperçoit une sorte de baleine que Mercator identifie comme une pytrix ou pistrix. On repère dans le Pacifique Sud un taureau des mers inspiré de la vacca marina d’Olaus Magnus. La tradition, héritée de Pline l’Ancien, voulait que toute créature sur terre et dans les cieux possède sa contrepartie dans les mers. Cette idée persiste encore dans notre langue, à travers des mots comme poisson-volant, concombre de mer ou poisson-scie. Mercator nous donne ici une représentation du taureau des mers nettement plus détaillée que celle d’Olaus Magnus. Une grande baleine, cete, apparaît dans le Pacifique Sud. Elle est inspirée de la balena d’Olaus Magnus. située originellement près de l’île imaginaire de Tile. Du temps de Mercator et de Magnus, tout animal marin de grande taille était souvent appelé « baleine ». La représentation de Mercator exagère largement les dents proéminentes de cette baleine tueuse qui pourrait peut-être correspondre à une eubalaena glacialis ou baleine noire. Dans le Pacifique Sud, ce monstre marin jaillissant est une copie du pistrix d’Olaus Magnus. Il est étrangement appelé hippopotamus par Mercator. C’est une figure imaginaire que l’on retrouve dans les écrits médiévaux et jusqu’à Pline l’Ancien, principale source classique de Magnus. La représentation de Mercator est plus finement réalisée que celle de Magnus. Le morse dessiné dans le nord-ouest du Pacifique est inspiré d’une image d’Olaus Magnus. Néanmoins Mercator l'a placé dans les eaux, tandis que la Carta Marina le représente sur la terre ferme, doté de quatre pattes. Ces représentations de « morse » sont cependant encore très éloignées de la réalité alors que quelques années plus tard celles d’Ortelius (1587) et surtout de Hondius (1595) seront beaucoup plus réalistes. Dans les Caraïbes, apparaît un iguane, copie fidèle d'un animal identique du livre d'Oviedo. Dans l’Atlantique Nord, on trouve un lamantin, copie d’une des créatures du livre d’Oviedo. Mercator comble le vide à l'intérieur des terres sud-américaines par un opossum. Ce marsupial est représenté de manière surdimensionnée, reflétant sans doute par là l’idée que cette espèce animale s’y trouve en grand nombre. L’anatomie présentée est un peu fantaisiste, l’animal ayant une poche ventrale au niveau des épaules au lieu des hanches. Mais la représentation devait être dans l’air du temps car on retrouve une illustration similaire sur une carte de 1541. Un spectaculaire espadon nage dans l’Atlantique Nord, à l’ouest de l’Irlande. Ce dessin a été largement copié par les cartographes postérieurs. La source en est toujours inconnue. Un poisson dans l'Océan Indien, placé au sud-ouest de Java. Un monstre à tête de hibou vorace orne l’Océan Indien à l’est de Java ; ce monstre est inspiré du ziphius de la Carta marina. Ce mot dérivé du grec (xiphias désigne une épée) fait sans doute allusion à toutes les bêtes qui, armées de corne, scie ou épée, creusent des trous dans les coques des navires, entraînant la noyade des marins : un monstre horrible donc, tout aussi dangereux que l’orque ou la baleine tueuse. Un poisson volant parcourt le Pacifique Sud. Olaus Magnus, source d'inspiration de Mercator pour ce dessin, plaçait l'animal au-dessus du Prister et de l’île de Tile.

Au travers des monstres de la cartographie, on peut faire une visite détaillée des sources et inspirations de Mercator pour la réalisation de ses douze monstres marins et terrestres.

Pour en savoir plus
  • Les monstres de la cartographie : visite de détails des sources et inspirations de Mercator pour la réalisation de ses douze monstres marins et terrestres.
  • Carta marina : par Olaus Magnus, document numérisé, Bibliothèque numérique mondiale : Bibliothèque nationale de Suède.
  • Cosmographey, das ist Beschreibung aller Länder : par Sebastian Münster, édition allemande de 1598, document numérisé, Gallica : Bibliothèque nationale de France.
  • Theatrum Orbis Terrarum : par Abraham Ortelius, document numérisé de l’édition de 1570, Library of Congress.
  • Duzer, van C. (2014) Sea Monsters on Medieval and Renaissance Maps, London : The British Library.
  • Nigg, Joseph (2013) Sea Monsters. A voyage around the world’s most beguiling Map, Chicago & London : The University of Chicago Press.
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