Gérard Mercator est le premier à retirer, sur les globes et les cartes, les gros caractères gothiques qui réduisaient l’espace disponible pour les remplacer par une écriture cursive italique, tracée à main courante. Il introduit également une hiérarchie dans les polices de caractère en fonction du type d’information.
Cette nouvelle convention calligraphique présente le double avantage de l’élégance et de l’économie d’espace en permettant de placer plus de mots sur une sphère. Elle permet la hiérarchisation de l’information, une règle de base toujours valable de nos jours en cartographie.
Sur le globe terrestre, l’idée d’un méridien d’origine ou méridien zéro, ou encore premier méridien, servant de référence aux longitudes, est fondée sur des considérations géophysiques. A partir de ses réflexions sur le magnétisme, Gérard Mercator situe son premier méridien à Fuerteventura dans les îles Canaries (Forteventura). Il est donc décalé de 14.1° vers l’ouest, par rapport au méridien de Greenwich, universellement utilisé de nos jours.
]]>Deux aiguilles aimantées étaient autrefois incrustées dans le socle de chacun des globes ; elles sont aujourd’hui perdues. Leur utilisation doit favoriser la détermination des longitudes, à l’aide de la sphère et de la déclinaison de l’aiguille par rapport au Nord. Le procédé est semble-t-il déjà connu de Sébastien Cabot, trente ans auparavant.
Si les premières boussoles sont inventées en Chine autour de 1040, elles ne seront importées en Europe que vers le XIIe siècle. On imagine alors que l’aiguille aimantée pointe vers l’étoile polaire. Cette idée est remise en cause dès le XIIIe siècle. En 1546, Gérard Mercator démontre à partir de mesures de déclinaison que l’endroit vers lequel pointe l’aiguille aimantée ne peut pas se trouver dans les cieux, mais bien sur terre.
En 1600, William Gilbert en fera la démonstration : « Magnus magnes ipse est globus terrestris ». C’est-à-dire « le globe terrestre lui-même est un grand aimant ». C’est la première propriété globalement attribuée à la Terre, 87 ans avant la gravitation d’Isaac Newton.
]]>Gérard Mercator s’est intéressé en précurseur au phénomène du magnétisme terrestre. Constatant que le Nord magnétique ne coïncide pas avec le pôle Nord géographique, il propose l’existence d’une île Magnétique : Magnetu[m] insula, située près du pôle Nord. Cette idée est peut-être empruntée de la Carta marina du Suédois Olaus Magnus. Espérait-il s’en servir pour trouver une solution simplifiée au problème des longitudes ?
Selon les historiens c’est entre 1538 et 1541, que Mercator anticipe l’importance cruciale du magnétisme terrestre pour la navigation maritime. Ses réflexions représentent un énorme progrès dans ce domaine. Elles le conduisent à placer le pôle nord magnétique sur terre et à laisser le nord géographique au ciel, sur l’axe de rotation du monde.
On voit clairement, dans la région arctique des fuseaux du globe terrestre, qu’il place une île rocheuse magnétique en un point de la calotte distinct du pôle nord géographique. Ainsi il peut rendre compte de l’angle de déclinaison magnétique, permettant d’exprimer une différence entre la direction donnée par la boussole et la direction nord indiquée par les astres.
Gérard Mercator cherche à perfectionner sa sphère terrestre en y ajoutant, comme Gemma Frisius, des étoiles pouvant servir de repères aux voyageurs. Ainsi on peut voir 29 étoiles dessinées en plusieurs emplacements : dans les mers, au milieu des déserts d’Afrique ou des plaines d’Amérique et d’Asie, près du pôle Nord. Leur éclat et leur grandeur sont censées aider à l’orientation.
L’objectif était peut-être de permettre au pilote ou au voyageur de s’orienter plus facilement durant la nuit, ce que la boussole intégrée laisse aussi suggérer. En combinant ainsi les globes terrestre et céleste, l’encombrement lors d’un déplacement était limité. Cependant, il semble peu probable que le globe ait jamais été utilisé dans de telles circonstances.
]]>Les lignes de routes maritimes, appelées loxodromies ou lignes de rhumbs, sont des trajets que les navires peuvent suivre en haute mer en se guidant par une boussole. Chaque courbe reliant deux points coupe les méridiens de la sphère selon le même angle et correspond à la courbe suivie par un navire qui filerait à cap constant.
Dessiner des loxodromies sur une surface sphérique n’est pas une mince affaire. Mercator a hérité de son maître Gemma Frisius le savoir et la compétence pour dessiner des loxodromies. Il va améliorer cette technique en réussissant à transposer, sur la surface tridimensionnelle d’un globe terrestre, ce réseau de lignes droites incorrectement représentées jusqu’alors. Il les dessine sur les fuseaux de telle manière qu’elles deviennent des lignes de rhumbs une fois appliquées sur la sphère. C’est une grande réussite, quatre années seulement après la formulation imparfaite de la convergence des méridiens sur une surface sphérique par le géomètre portugais Pedro Nunez (vers 1537).
En voulant peut-être faire du globe terrestre un instrument de navigation, Mercator propose une innovation capitale pour les navigateurs, même si utiliser un globe sur un navire n’est pas vraiment faisable pour des considérations pratiques faciles à imaginer. C’est en 1569 qu’il apportera une solution enfin applicable grâce à sa mappemonde. Révolutionnaire dans sa projection d’un globe sur une surface en deux dimensions, celle-ci combine de manière géniale les cartes-portulans, basées sur le cap et la durée de navigation, et les cartes des Grecs, fondées sur la latitude et la longitude.
La route loxodromique devient alors une ligne droite sur un plan en projection Mercator. Mercator n’a pas laissé de description de son procédé de construction et ce ne sera qu’en 1695 que l’équation de la loxodromie sera vraiment résolue.
Il semble que ce soit son insatisfaction face à la manière dont les découvertes portugaises en Inde s’insèrent dans la vision traditionnelle du monde, qui pousse Gérard Mercator à concevoir son propre globe terrestre.
En effet, la pensée ptoléméenne dominante, presque despotique, est progressivement mise en doute par les observations nouvelles, en particulier celles des navigateurs et des explorateurs. Mercator, bien que faisant grand cas des idées de Ptolémée, sera l’un de ceux qui vont pondérer la vision classique par une approche plus pragmatique, utilisant sur son globe terrestre les dernières informations rapportées par les navigateurs tout autant que les récits, dont ceux de Marco Polo. À ce titre, il peut être envisagé comme le fondateur de la géographie moderne, voire comme on le disait même de son vivant « le Ptolémée de son époque ».
Sur le globe terrestre de Mercator, l’espace méditerranéen est nettement mieux représenté que chez Ptolémée, les contours de l’Afrique correspondent mieux à la réalité dans leurs tracés et dans les nomenclatures inscrites. S’appuyant sur de meilleures sources, Mercator améliore également la représentation de la Scandinavie, de l’Extrême-Orient et du pôle Nord.
Gérard Mercator est sans aucun doute celui qui a le mieux maîtrisé la production de globes en séries relatives. A son époque, les difficultés de fabrication des globes étaient nombreuses : dans le dessin des fuseaux, leur gravure sur les planches en cuivre, dans la fabrication d’un corps globulaire ou encore dans l’ajustement des fuseaux de manière à faire concorder parfaitement les lignes de tous les cercles.
Graveur expérimenté, Mercator innove dans l’application des fuseaux en réalisant séparément des calottes circulaires pour les pôles, les fuseaux étant dessinés jusqu’à 70° au lieu de s’étendre jusqu’aux pôles. Ceci améliorait techniquement l’imposition des fuseaux et les consolidait sur la sphère tout en favorisant la lecture de l’information aux pôles.
Mercator introduit aussi un design particulier pour les socles, resté commun par la suite. Enfin, en apposant du vernis sur les sphères, il accentue les couleurs tout en protégeant les surfaces.
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