Contexte historique – Les Globes de Mercator de l'UNIL https://wp.unil.ch/mercator Le récit d'une découverte à l'Université de Lausanne Mon, 13 Jul 2020 09:12:41 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.5.1 Où trouver les globes de Mercator https://wp.unil.ch/mercator/ou-trouver-les-globes-de-mercator/ Fri, 02 Dec 2016 11:10:36 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3143 [...]]]>

Doodle réalisé le 5 mars 2015 à l’occasion 503e anniversaire de la naissance de Gérard Mercator. © Google.com

Par ses ouvrages globographiques, Mercator acquiert en très peu de temps gloire et considération […].Thomas Horst

Outre les toutes premières sphères réalisées pour le chancelier Nicholas de Granvelle (globe terrestre, 1541) et l’évêque George d’Autriche (globe céleste, 1551), celles nombreuses pour Joachim Camerarius et destinées aux foires de Francfort-sur-le-Main et celles pour l’imprimeur Christophe Plantin à Anvers, d’autres paires ont sans doute été vendues à l’Université de Louvain, au gymnase de Duisbourg, à diverses écoles de Belgique et d’Allemagne, à des abbayes et couvents ainsi qu’à des particuliers intéressés aux sciences.

On ignore le nombre total d’impressions réalisées et de globes montés. Comme ils ne furent ni copiés, ni mis à jour, ils furent progressivement rendus obsolètes par les nouvelles découvertes géographiques de la seconde moitié du XVIe siècle et la production fut abandonnée.

De nos jours, moins d’une trentaire d’exemplaires encore existants sont recensés, ainsi qu’un ensemble de fuseaux imprimés sur feuilles. Ces globes, par paire ou par élément orphelin, se trouvent pratiquement tous en Europe ; quelques rares exemplaires existent aux Etats-Unis et au Japon. C’est principalement en Angleterre, Belgique, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Suède et Suisse que ces globes sont localisés, les plus nombreux étant en Allemagne et en Autriche. Tous sont propriétés d’institutions publiques telles que musées, monastères, observatoires ou universités. On ne connaît pas de marché privé pour de tels objets.

Pour en savoir plus
  • Inventaire des globes existants : liste réalisée en fonction de l’inventaire de Peter van der Krogt.
  • Krogt, P. van der (1993) Globi Neerlandici : the production of globes in the Low Countries, (trad. E. Daverman), Utrecht : HES Publ.
  • Mercator, G., De Smet, A.E.J., Raemdonck, J. van (1968) Les sphères terrestre & céleste de Gérard Mercator, 1541 et 1551 : reproductions anastatiques des fuseaux originaux gravés par Gérard Mercator et conservés à la Bibliothèque royale à Bruxelles / préface Antoine De Smet ; [introduction] J. van Raemdonck extraite des Annales du Cercle archéologique du Pays de Waas, vol. 5, 1872-1875, Bruxelles : Culture et Civilisation, Adam [Jos].
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Les globes imprimés de Mercator https://wp.unil.ch/mercator/les-globes-imprimes-de-mercator/ Fri, 02 Dec 2016 11:05:13 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3145 [...] ]]>
Aux sciences chronologiques et géographiques, Mercator joignait, chose excessivement rare chez les savants, une habileté extrême à dessiner, graver et enluminer élégamment : ceux qui ont passé toute leur vie dans la culture de cet art peuvent en témoigner.Jodocus Hondius (1563-1612), éditeur de cartes à Amsterdam

Poussé par la nécessité de faire vivre sa famille, Gérard Mercator devient fabricant d’instruments scientifiques, dessinateur, graveur et enlumineur de cartes géographiques. Vers 1537, il dessine sur papier, reproduit par la gravure sur cuivre, imprime et enlumine une représentation de la Terre et du Ciel. Il crée ainsi des globes et des cartes géographiques qu’il conçoit et grave lui-même. Il est le seul de son temps à maîtriser la totalité de la production, depuis la conception théorique jusqu’à la réalisation pratique. Aucune production de globes et de cartes de son époque n’est comparable à ses oeuvres.

Nicholas Perrenot (1486-1550)

Antoine Perrenot (1517-1586)

Christophe Plantin (1520-1589)

Joachim Camerarius le Jeune (1534-1598)

Sa rencontre avec le père de son ami Antoine Perrenot se révèle décisive : le Franc-Comtois Nicholas Perrenot, seigneur de Granvelle (1486-1550), devient un intermédiaire intelligent, influent et dévoué à la cour de l’empereur Charles Quint dont il est le chancelier et homme de confiance. En 1541, Mercator dédie à Nicholas Perrenot son globe terrestre. Ce sera le premier d’une longue série qui va assurer ses moyens de subsistance.

Accusé de participation aux idées de la Réforme, Mercator est emprisonné entre 1544 et 1545. A sa libération, il quitte Louvain et se fixe à Duisbourg ; il y développe son atelier de cartes et de sphères, entouré de ses fils, petits-fils et de plusieurs ouvriers. On dit que ses globes étaient si demandés qu’il ne pouvait satisfaire à toutes les commandes. La paire de globe est alors vendue 24 guilders, plus tard elle coûtera entre 36 et 45 guilders. Des intermédiaires aident l’entreprise familiale dans l’achat et la revente des globes ; deux d’entre eux sont particulièrement bien documentés :

  • Christophe Plantin (ca. 1520-1589), imprimeur, éditeur et relieur de renom à Anvers, aurait acheté 25 paires de globes à Mercator.
  • Joachim Camerarius le Jeune (1534-1598), médecin de Nuremberg, est l’un des meilleurs clients de Mercator. Il lui sert d’intermédiaire en achetant tous les ans plusieurs exemplaires qu’il expédie par le Rhin et le Main à Cologne et, par delà, à Francfort-sur-le-Main dont les deux foires annuelles permettent leur revente.
Parmi un grand nombre de sphères, je vous ai choisi deux paires qui sont les meilleures et qui s’approchent de très près de l’équilibre ; l’une d’elles, cependant, ne se fixe pas en toutes positions, mais retombe quelquefois, même par une très légère inégalité de poids. Les sphères conservent très rarement leur équilibre, et, quelque soit l’art avec lequel nous tâchions de l’atteindre, ce n’est jamais que par hasard que nous y réussissions parfaitement. Depuis bientôt un an, j’en ai augmenté un peu le prix ; mais j’apprête les corps sphériques d’une manière plus élégante que d’habitude, en les couvrant d’un vernis, ce qui les fait paraître plus splendides et rend les couleurs plus vives et plus durables.Mercator, dans une lettre à Camerarius, commanditaire régulier de globes pour les foires de Francfort.
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Les précurseurs https://wp.unil.ch/mercator/les-precurseurs/ Fri, 02 Dec 2016 11:00:10 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3147 [...] ]]>
Le fait de figurer la terre et les cieux par des objets distincts traduisait un rapport différent où la terre n’était plus dans une situation subordonnée mais constituait un objet en soi, sur lequel pouvait s’exercer une réflexion autonome. Ces globes permettaient en outre une vision de la terre tout entière et non plus limitée à l’oecumène.Patrick Gautier Dalché
Narrative and critical history of America Volume 2, 1889. Source : University of California Libraries. Portrait par Gaston Save, fin 19e siècle. Gravure tirée de son livre Opera Mathematica, 1561. Gravure du XVIIe siècle
Bien que les globes de Mercator doivent être considérés comme des productions pionnières et des modèles pour la fabrication en série jusqu’à l’utilisation commerciale de la lithographie au milieu du XIXe siècle, ils ont été précédés par d’autres oeuvres.




Pour en savoir plus
  • Sumira, S. (2014) Globes : 400 Years of exploration, navigation, and power, Chicago : University of Chicago Press.
  • Gautier Dalché, P. (2010) « Avant Behaim : les globes terrestres au XVe siècle », in : Médiévales, N° 58, Humanisme et découvertes géographiques, pp. 43-61.
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Les globes imprimés https://wp.unil.ch/mercator/les-globes-imprimes/ Fri, 02 Dec 2016 10:50:28 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3149 [...] ]]>
Le globe imprimé, tel que nous le connaissons aujourd’hui, émerge au début du XVIe siècle.Sylvia Sumira

Dans un premier temps, les globes étaient des sphères solides réalisées à la main dans des matériaux divers tels que le marbre, le verre, le bois ou le métal. Par la suite, il s’agira de sphères creuses produites à partir de minces feuilles de métal, dont le cuivre. Evidemment ce sont des exemplaires uniques. L’apparition de l’imprimerie au milieu du XVe siècle permet de multiplier la fabrication des globes à meilleur marché et en séries limitées. Les globes sont alors faits de fuseaux gravés sur du bois ou du cuivre, puis imprimés sur papier, découpés et finalement collés sur les sphères.

La construction d’un globe imprimé commence par la création d’une sphère creuse, séparée en deux hémisphères. Elle est composée de matériaux cellulosiques tels que le papier mâché ou du tissu, collés en couches successives. Les deux hémisphères sont montés sur un axe central permettant la rotation de la sphère. Le poids est rarement bien distribué et les globes sont généralement en déséquilibre. Le processus d’équilibrage des sphères sur leur axe de rotation utilise parfois des petites poches de cuivre ou de sable placées à l’intérieur du globe pour prévenir un affaissement dans une position particulière. Les fuseaux imprimés sont ensuite découpés et collés sur les sphères. Ces globes s’avèrent fragiles et difficiles à transporter.

Au XVIe siècle, les régions des Flandres et des Pays-Bas deviennent des centres intellectuels et scientifiques importants où s’épanouit la gravure dite en taille-douce. Toutes les conditions sont alors réunies pour que Gérard Mercator puisse produire des globes imprimés de qualité. Fabriqués pour des élites, les globes imprimés permettent progressivement la diffusion d’un savoir au plus grand nombre.

Entre 1500 et 1830, les globes imprimés seront toujours élaborés et exposés en paire inséparable composée d’une sphère céleste et d’une sphère terrestre. Ensemble, ils symbolisent l’univers du savoir et le savoir de l’Univers. En figurant la Terre et le Ciel par des globes de taille identique on traduit aussi un rapport différent où la Terre devient un objet en soi, pouvant recevoir une réflexion autonome, perdant sa situation subordonnée au modèle des cieux ; la vision ne se limite plus à l’oecoumène, c’est-à-dire à l’espace habité, et le regard géographique s’élargit. Dès 1830, le globe terrestre entame petit à petit une carrière autonome, tandis que le globe céleste se range progressivement dans les curiosités, avant de sombrer dans l’oubli et être remplacé par le concept moderne de planétarium.

Les globes imprimés en séries relatives, rapidement produits et diffusés, deviennent un standard. Et de manière surprenante les méthodes de fabrication artisanale n’évoluent presque pas depuis le milieu du XVIe siècle. Celles-ci ont été fixées très clairement par Mercator.

Pour en savoir plus
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L’apport de Ptolémée https://wp.unil.ch/mercator/lapport-de-ptolemee/ Fri, 02 Dec 2016 10:44:44 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3154 [...]]]> Claude Ptolémée d'Alexandrie, mathématicien (d'après une gravure allemande du XVIe siècle). Source : Wikipedia. Traduction latine de l'Almageste par Gérard de Crémone, manuscrit du XIIIe siècle. Carte du monde selon Ptolémée, Cosmographia de Jacob Angelus, éditée par Nicolas Germanus, 1482.

Claude Ptolémée (ca. 90-168), astronome et géographe, passa sa vie à Alexandrie, principal centre scientifique de son temps. On pourrait dire de lui qu’il est à la fois le dernier grand cartographe et astronome de l’Antiquité et le premier du monde occidental. Grand compilateur, sa renommée doit beaucoup au fait que presque toute son œuvre a été conservée, via les Arabes, puis traduite en latin.

Son ouvrage le plus célèbre est un traité d’astronomie divisé en treize livres, connu sous le nom d’Almageste. Ptolémée y professe une conception géocentrique héritée d’Hipparque (ca. 190-120 av. J.-C.): la Terre serait une sphère placée au centre de l’univers. Cette vision va faire stagner l’astronomie jusqu’à l’apparition des instruments d’observation et la proposition d’un système héliocentrique par Copernic (1543), Galilée (1630) et Kepler. L’Almageste contient aussi un catalogue de 1022 étoiles et 48 constellations, qui seront utilisées par Mercator pour son globe céleste.

Portrait anonyme posthume (copie d'une gravure de 1541), 1580 Portrait par Domenico Tintoretto, 1605. Copie d’un portrait perdu de Johannes Kepler, peint en 1610, qui était conservé chez les Bénédictins de Krems.

Son second ouvrage, la Géographie, concerne la description de la Terre ; on ignore s’il s’agit d’un travail original ou d’une vulgarisation. Ptolémée y explique que la géographie se doit de donner une image fidèle de la réalité du monde terrestre sous forme de cartes. C’est aussi une sorte de lexique cartographique qui énumère les positions de lieux connus.

La Géographie de Ptolémée, dont le premier exemplaire édité avec les cartes date de 1477, résume l’état des connaissances géographiques autour des années 125. A travers elle, les savants de la Renaissance s’initient à la cartographie mathématique, à l’usage des projections cartographiques, à l’utilisation de la latitude et de la longitude pour cadrer le contenu des cartes, ainsi qu’à de nouvelles connaissances géographiques factuelles. L’ouvrage contient une très fameuse mappemonde qui laisse facilement penser qu’en naviguant vers l’ouest on pourrait atteindre les contrées de l’est. Cette représentation sera reproduite avec ses erreurs jusqu’au XVIIe siècle.

L’œuvre de Ptolémée sera à la fois mobilisatrice et troublante pour la science cartographique. En admettant la sphéricité de la Terre, elle entraînera la recherche d’un système de projection de la sphère sur un plan ; en mettant en lumière la nécessité de fixer la position des lieux par rapport à l’équateur et un méridien d’origine, elle stimulera les cartographes. Par contre, elle semera le trouble en transmettant les tracés géographiques imprécis de la fin du monde antique dans une cartographie maritime, certes encore empirique, mais beaucoup plus proche de la réalité.

Pour en savoir plus
  • La Géographie de Ptolémée : édition de 1478, gravures par Konrad Sweynheim et Arnold Buckinck, livre en format numérique mis à disposition par la Bibliothèque numérique mondiale.
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Les débuts de la cartographie céleste https://wp.unil.ch/mercator/les-debuts-de-la-cartographie-celeste/ Fri, 02 Dec 2016 10:42:19 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=4372 [...]]]>
Les figures des constellations peuvent remonter dans certains cas à la Mésopotamie au deuxième millénaire avant J.-C., elles ont été placées dans un cadre scientifique par la science grecque, un référentiel perpétué par les érudits islamiques durant la période médiévale et cette tradition sera reçue par un artiste nord-européen qui établira la forme graphique sachant interpeller l’imagination de la Renaissance.Peter Withfield

Si la plus ancienne carte céleste conservée est la carte chinoise de Dunhuang (649-684), c’est néanmoins à la science grecque qu’il faut remonter pour retracer l’histoire occidentale des représentations globulaires du ciel.

Le concept de globe pour modéliser la géométrie du cosmos est essentiel à l’astronomie grecque. Dès le IVe siècle avant notre ère, l’Antiquité grecque, connaît cette représentation sphérique du ciel. Pour la plupart, ces globes représentent les constellations sous une forme allégorique avec leurs étoiles principales et quelques cercles tels que les méridiens, l’équateur et l’écliptique.

Dans sa Syntaxe mathématique, mieux connue sous le nom d’Almageste, Ptolémée (IIe siècle après J.-C.) étudie géométriquement les diverses composantes du système Terre-Ciel. Il aborde également la construction des globes célestes, en donnant une liste de 48 constellations, les coordonnées écliptiques de 1022 étoiles ainsi que leur grandeur (qu’il nomme « éclat »). On conservera ce découpage du ciel, avec quelques améliorations, pendant de nombreux siècles y compris jusqu’au XVIe siècle.

La science arabe, entre 900 et 1300, va préserver les fondements de l’astronomie grecque. La connaissance de la projection stéréographique, utilisée dans l’astrolabe, est ainsi transmise vers l’an mil au monde latin occidental au travers de l’Espagne musulmane. On connaît actuellement une douzaine de globes célestes arabes en laiton hérités de la période médiévale.

La représentation de la voûte céleste sur un globe devient, dans le monde chrétien, un moyen privilégié de déterminer le temps, utile notamment pour la planification des fêtes religieuses, dont Pâques. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans les monastères les premiers globes célestes d’Europe occidentale. Ils sont cependant extrêmement rares, car réalisés en exemplaires uniques gravés sur bois.

L’une des premières cartes céleste du monde occidental est le Manuscrit de Vienne, oeuvre anonyme réalisée vers 1440 et actuellement conservée à la Österreichische Nationalbibliothek. Cette carte représente une étape importante dans le développement de la cartographie mathématique en Europe. Pour la première fois, les figures humaines des constellations y sont dessinées depuis l’arrière.

Les représentations célestes émergent véritablement à la Renaissance. Les scientifiques entament alors un processus de démystification des cieux, rompant avec les mythologies médiévales et instituant une nouvelle tradition reposant sur les mathématiques. Albrecht Dürer (1471-1528), Conrad Heinfogel († 1517) et Johann Stabius (ca 1460-1522), réalisent les premières cartes célestes imprimées, sans doute inspirés du Manuscrit de Vienne.

Ces cartes seront suivies en 1515 par le premier globe céleste imprimé. A Nuremberg, Johann Schöner réalise un globe de 27 centimètres de diamètre à partir de fuseaux gravés sur bois. Ce globe, qui forme une paire avec son pendant terrestre, semble avoir servi de modèle pour le tableau des Ambassadeurs de Holbein le Jeune (1533).

En 1537, le mathématicien, astronome, médecin et géographe Gemma Frisius, réalise également un globe à Louvain, cette fois-ci à partir de plaques de cuivre, ce qui représente une avancée significative dans la fabrication de ces artefacts. Sur sa sphère, Frisius se désigne lui-même en tant que « medicus ac mathematicus », une attribution qui explique son travail intégrant médecine et astrologie, deux domaines alors liés à travers la vision macrocosmique et microcosmique des éléments et des « humeurs ».

Tout en se basant sur les travaux de Dürer, Frisius améliore la représentation du ciel en ajoutant de nombreux détails : par exemple, l’extrémité d’Eridan est probablement représentée d’après le mathématicien allemand Pierre Apian (1495-1552). La précession des équinoxes est également identique à celle de Dürer (19°40’). L’indication de la magnitude des étoiles est meilleure et quelques noms d’étoiles ont été ajoutés. Le globe comporte également des mentions de correspondances astrologiques entre étoiles et planètes, associant par exemple, Vénus et Mercure à Spica, ou Saturne et Mars au Bélier.

En 1551, Mercator suit l’exemple de son maître Frisius et complète son propre globe terrestre par un globe céleste de 41 centimètres de diamètre. La paire mercatorienne fera date, le consacrant comme le véritable père de la fabrication moderne des globes.

Pour en savoir plus
  • Bonnet-Bidaud, J.M., Praderie, F. & Whitfield, S. (2009) « The Dunhuang chinese sky : a comprehensive study of the oldest known star atlas », Journal of Astronomical History and Heritage, Vol. 12, N° 1, pp. 39-59.
  • Dekker, E. (2013) Illustrating the phaenomena : celestial cartography in Antiquity and the Middle Ages, Oxford : Oxford University Press.
  • Whitfield, P. (1995) The Mapping of the Heavens, London : The British Library.
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Les débuts de la cartographie terrestre https://wp.unil.ch/mercator/les-debuts-de-la-cartographie-terrestre/ Fri, 02 Dec 2016 10:37:25 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3151 [...]]]> Reconstitution du globe de Cratès de Mallos (ca. 150 av. J.-C.) Reconstitution de la carte du monde d'Anaximandre de Millet (fin du VIIe siècle av. J.-C.) Reconstitution de la carte du monde d'Eratosthène (IIIe siècle av. J.-C.). Gravure colorisée du XIXe siecle. © North Wind Pictures/Leemage
Nous n’avons pu décrire la terre que parce que nous y avons projeté le ciel.Italo Calvino

La prise de conscience du temps et de l’espace se perd dans le passé et l’histoire de l’homme. Ce sont les étoiles et les astres de la nuit, à la fois horloge et calendrier, qui vont progressivement permettre de fixer des repères pour se déplacer, naviguer, mettre en culture ; historiquement, les représentations célestes précèdent les représentations terrestres. Pour nos sociétés modernes, l’idée de fabriquer des modèles du Ciel et de la Terre au moyen de lois géométriques découle essentiellement de l’héritage grec.

Buste de Thalès, gravure tirée de l'ouvrage d'Ernst Wallis, 1877. Bas-relief, probablement copie romaine d'un original grec (Roma, Museo Nazionale Romano) Gravure de P. D. Lippert, ca. 1760 Gravure tirée de l'ouvrage "Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres" de Blanche Marantin et Guillaume Chaudiere, Paris, 1584

Dès le IVe siècle avant notre ère, l’Antiquité grecque représente la voûte céleste sur des sphères ; on trouve également des allusions à des globes terrestres construits par exemple par Eudoxe de Cnide  (ca. 276-194 av. J.-C.) ou Cratès de Mallos (ca. 220-140 av. J.-C.). L’image du Ciel subit peu de modifications après l’Antiquité ; il n’en est pas de même avec l’image de la Terre.

À l’époque grecque-archaïque, c’est le récit qui compte. Les récits tels ceux d’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.) ou d’Homère (VIIIe siècle av. J.-C.) dans l’Iliade et l’Odyssée relèvent d’une période mythique où le monde était un tout narratif.

À l’époque grecque classique, la mesure s’installe. La géométrie va progressivement se développer. Ainsi Thalès de Millet (ca. 625-547 av. J.-C.) envisage la sphéricité de la Terre et Anaximandre de Millet (ca. 610-546 av. J.-C.) révèle pour la première fois que la Terre est un corps céleste.

À l’époque hellénistique et romaine enfin, la pragmatique et la science l’emportent. La Terre devient un territoire. Eratosthène (ca. 276-194 av. J.-C.) sera le premier à en mesurer la circonférence et Ptolémée (ca. 90-168) va résumer tout ce savoir grec au IIe siècle de notre ère. La dynamique de la cartographie au XVIe siècle doit beaucoup à la traduction en latin et à l’impression d’ouvrages de la science antique, en particulier ceux de Ptolémée : sa Géographie, une synthèse des connaissances de la géographie du monde inspirée de Marin de Tyr, est éditée avec des cartes pour la première fois vers 1477. L’Almageste, son travail monumental traitant d’astronomie, dicte une vision géocentrique qui restera longtemps une référence avant que ne soit proposé un système héliocentrique.

Pour en savoir plus
  • L’apport de Ptolémée : on pourrait dire du Grec Ptolémée qu’il est, à la fois, le dernier grand cartographe et astronome de l’Antiquité et le premier du monde occidental
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L’élargissement du monde https://wp.unil.ch/mercator/lelargissement-du-monde/ Fri, 02 Dec 2016 10:35:38 +0000 http://wp.unil.ch/mercator/?p=3156 e siècle, à un moment où se déploie en Europe une dynamique innovante favorable à de nouvelles interrogations [...]]]>
La globalisation commence comme une géométrisation de ce qui n’est pas mesurable […] à très grande échelle [elle] est l’événement fondamental de la pensée européenne.Peter Sloterdijk

Avec les Grandes Découvertes, du milieu du XVe siècle à la fin du XVIe siècle, l’espace connu s’élargit, permettant aux Européens d’appréhender le monde comme un tout et de reconnaître tous les territoires de la planète accessibles par voie maritime. C’est ce que l’historien Pierre Chaunu appelle le « désenclavement planétaire » qui marque le début de la modernité.

L’accélération des découvertes géographiques, le développement de la navigation entrainent un besoin crucial d’innovations et d’instruments à jour pour parcourir le monde, le mesurer et le représenter. A partir de 1450, l’apparition de l’imprimerie permet une large circulation de textes et de documents traduits de la science antique. La dynamique de la Renaissance est en route ; elle permet l’apparition de nouvelles manières de voir et de penser le monde. Gérard Mercator incarne ce renouveau dans le domaine de la cartographie.

Intellect et pragmatisme
Ce qui liait la plupart des cartes de cette époque, c’est la volonté affichée des cartographes de recourir à de nouvelles méthodes scientifiques pour mesurer les distances. En Europe, la redécouverte de Ptolémée conduisit ces derniers à faire fi de la théologie et à utiliser des projections et des techniques plus rigoureuses pour créer des cartes susceptibles d’aider quiconque voulait défendre, diriger ou conquérir un territoire.Jerry Brotton
Mosaïques du Palazzo Grimaldi Doria-Tursi, Gènes, 1895. Source : Wikipedia Portrait par Matthew Mills Portrait par António Manuel da Fonseca, 1838

Deux influences majeures semblent marquer la cartographie de la Renaissance, l’une intellectuelle, l’autre pragmatique. Ces deux courants vont coexister, interférer ou s’affronter. L’œuvre du savant grec Claude Ptolémée, dont l’autorité s’était imposée jusqu’à la Renaissance, est ainsi en permanence remise en question par les nouvelles découvertes fondées sur l’expérience des grands navigateurs.

L’horizon géographique s’est amplement élargi depuis Marco Polo au XIIIe siècle et les explorations portugaises du XVe siècle. Après la première circumnavigation de la Terre par l’équipage de Fernand de Magellan en 1522 la configuration des principaux continents est presque fixée.

Les cartes se multiplient, enregistrant année après année les progrès dans la connaissance de la Terre. Les terres découvertes y apparaissent ; pour les régions sur lesquelles l’information manque encore, les cartographes font appel aux écrits des explorateurs et à la Géographie de Ptolémée.

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