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1672

[Anonyme], Araspe et Simandre

Paris, Barbin, 1672

Une fan de Psyché

Araspe, l'un des protagonistes de cette nouvelle, raconte une scène galante, et notamment l'impromptu qu'il dut faire à cette occasion sur des couplets de Psyché (Molière, Corneille, Quinault) :

Daphné m’avait fait connaître qu’elle aimait les vers et les petites chansons, et le son de sa voix en parlant ne me laissait quasi pas en doute qu’elle ne l’eût fort agréable en chantant. Je proposai donc à Ormin, à qui je savais bien qu’on faisait la guerre d’être poète, de faire quelque couplet de chanson pour la belle Daphné, et la conviai à nous en donner l’air. **Elle aimait fort le premier des menuets du ballet de la comédie de Psyché qu’avaient dansé, ce me semble, des fleuves et des nymphes, et elle en chanta même ce couplet qu’on lui avait envoyé de Paris :

Votre douceur est extrême
Vous avez beaucoup d’appas (bis)
Mais hélas ! Quand on vous dit que l’on vous aime,
Vous fuyez et vous ne nous écoutez pas.

Elle en voulut absolument un de moi et je lui donnai celui qui suit :

Oui, belle Daphné, je rime,
Vos ordres sont tout puissants,
Mais hélas ! pour n’oser pas commettre un crime,
Dans mes vers je ne dis pas ce que je sens.

– Ni moi non plus, Madame, s’écria alors Ormin.

– Je le crois, lui dis-je, mais, sans le dire, la belle Daphné ne laisse pas de s’apercevoir de ce que vous sentez, ce qui fit rire la tante et la nièce.

Ormin s’évertuant alors vint à bout de celui-ci, qu’il chanta en fausset, après avoir dit galamment, à ce qu’il croyait, que de vivre dans un feu perpétuel comme une salamandre, ce n’est pas pour bien faire des vers.

Quand je vois Daphné si belle,
Je ne sais ce que je fais :
Mais hélas ! étant à l’amour si rebelle,
Il fallait lui donner un peu moins d’attraits.

Je lui repartis, après avoir fait semblant d’admirer ses vers, qu’en effet les parents de Daphné avaient eu grand tort en la faisant si belle et que, s’ils eussent prévu le tourment que cela devait lui causer, ils s’en fussent bien empêchés.

Nouvelle disponible sur Google Books.


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