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1638

Jean Chapelain, Lettre à M. le marquis de Montauzier

Jouer une comédie pour fêter une victoire militaire

Cette lettre datée du 20 décembre 1638 explique en détail la comédie que Chapelain et ses amis ont prévu d'interpréter en guise de célébration de la prise de Brisac :

Cependant je me réjouis avec vous de ce bon succès et vous donne avis qu’au lieu de feu de joie qu’en fera toute la France, nous avons résolu d’en jouer une comédie de laquelle nous vous gardons le principal personnage vaillant et féroce, comme vous plein d’amour et de colère, et dont le rôle vous plaira bien assurément. Mr le lieutenant fera l’amant pitoyable, je représenterai son fidèle ami et, des deux valets, Mr le maître de camp jouera le pire, c'est-à-dire le plus méchant. Mr de Chavaroche fera l’autre. L’une des femmes sera l’adolescent Montreuil, que vous savez qui est au cardinal Antonio, aussi qu’à Mr le Prince, et duquel on nous dit qu’à Rome era a far la donna ammaestrata.

Et, parce que la comédie est italienne et que nous n’avons point de femmes, ni qui prononcent bien cette langue, nous avons pensé de dépêcher en Piémont en la cour de Madame Réale, sous le crédit de Mr le marquis de Pisani, pour faire faire l’autre à la comtesse Massin ou à quelque autre veuve mariée de ce pays-là. Nous avons destiné le personnage de l’un des stracciuoni, plaideurs, à Mr de Vaugelas, lorsqu’il sera revenu de Normandie, où il est allé faire une rivière ; et pour l’autre, M. Gombaud le fera sans beaucoup de peine. Neuf-Germain fera le Barbagrigia hampatore à cause de sa barbe, et, pour la pancio omnipotente qui lui manque, nous lui en ferons une d’un coussin ou de six serviettes en double. Vous voyez le dessein et m’avouez sans doute qu’il vaudra bien la mascarade de l’année passée. Ce qui reste à faire est d’apprendre de votre côté le rôle que nous vous enverrons comme nous apprenons les nôtres, afin que, quand vous viendrez ici au Carnaval, il n’y ait plus qu’à nous habiller tous et à monter sur le théâtre.

Lettre en ligne sur Gallica t. I, p. 339-340.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »