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1639

Jean Chapelain, Lettre à M. de Balzac

Avis sur La Poétique de La Mesnardière

Non sans cacher sa surprise, Chapelain évoque les mérites du traité de La Mesnardière, pourtant peu instruit, dans une lettre datée du 6 novembre 1639.

Le livre traite de l'art poétique selon la doctrine d'Aristote, qu'il a recueillie de ce qu'il en a lu dans Scaliger le père et dans Heinsius. C'est une chose assez merveilleuse qu'un médecin qui n'entend point trop bien le latin et à qui les langues italienne et espagnole ne sont connues que labiis tenus, qui n'abonde point en jugement, comme il l'a montré dans les additions qu'il a faites au panégyrique de Pline pour l'embellir, et qui n'a songé aux vers que depuis qu'il a vu que c'était une porte pour avoir entrée auprès de son Éminence ducale, soit devenu tout d'un coup poète, et non seulement cela, mais encore maître des poètes par les règles qu'il leur donne de la poésie, et qu'il leur donne plus agréablement et plus solidement qu'aucun n'ait fait en France jusqu'ici. Vous verrez sa préface et le corps du livre que je mis dès hier entre les mains du Sr Rocolet, et vous m'avouerez que nos jeunes rimeurs y trouveront d'excellentes leçons et auront moyen de s'y rendre bien plus habiles. Ce n'est pas qu'au fond nous ne voyions bien comment cela s'est pu faire si subitement et que nous ne discernions bien ce qu'il y a de bon d'autrui et ce qu'il y a de mauvais de lui. Néanmoins cela ne laisse pas d'être admirable et la France, en vérité, lui a obligation de sa témérité et même de ses fautes, puisqu'il lui a donné un corps qu'elle n'avait point et qui lui était si nécessaire, dans lequel il y avait tant de profit à faire pour ceux de cette profession.

Lettre en ligne sur Gallica t. I p. 522-523.


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