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1688

Jean-François Regnard, Le Divorce

Paris : Vve Duchesne et fils, 1790

Ennui à l'opéra, mépris pour les Italiens

Ces personnages témoignent, dans l'Acte II scènes 7 et 8, de leurs expériences de spectateurs à l'opéra et à la comédie italienne:

SCÈNE VIII.
Isabelle, Colombine, le chevalier.

COLOMBINE.
Je ne sais, madame, ce que vous voulez faire ; mais je vous avertis que monsieur a enfermé une roue du carrosse dans son cabinet, pour vous empêcher de sortir.

ISABELLE.
Qu'importe ? Nous irons dans le carrosse de monsieur le chevalier.

Le CHEVALIER.
Cela ne se peut pas, madame ; mon cocher s'en sert : c'est que je lui donne mon carrosse un jour la semaine pour ses gages ; c'est aujourd'hui son jour, et il l'a loué à des dames qui sont allées au bois de Boulogne.

COLOMBINE.
Cela ne doit pas nous arrêter. Si madame veut aller à l'opéra, je trouverai bien un carrosse.

ISABELLE.
Ah ! Fi, Colombine, avec ton opéra. Peut-on revenir à la demi-Hollande, quand on s'est si longtemps servi de baptiste ? J'y allai dès deux heures à la première représentation ; j'eus tout le temps de m'ennuyer avant que l'on commençât ; mais ce fut bien pis, quand on eut une fois commencé.

COLOMBINE.
Je ne conçois pas comment on peut s'ennuyer à l'opéra ; les habits y sont si beaux !

ISABELLE.
Je vois bien que nous ne sommes pas engouées de musique aujourd'hui, et qu'il faudra nous en tenir à la comédie italienne.

Le CHEVALIER.
En vérité, madame, je ne sais pas quel plaisir vous trouvez à vos comédies italiennes les acteurs y sont détestables. Est-ce qu'Arlequin vous divertit ? C'est une pitié. Excepté cet homme qui parle normand dans L'Empereur de la lune, tout le reste ne vaut pas le diable. J'étais dernièrement à une pièce nouvelle ;elle n'était pas encore commencée, que j'entendis accorder les sifflets au parterre, comme on fait les violons à l'opéra. Je m'en allai aussitôt, pestant comme un diable contre ces nigauds-là, et je n'en voulus pas voir davantage.

ISABELLE.
Vous n'attendîtes donc pas que la toile fût levée ?

Le CHEVALIER.
Hé ! Vraiment non. Ne voit-on pas bien d'abord à ces indices-là qu'une pièce ne vaut rien ?

SCENE IX.
Isabelle, Colombine, le chevalier, un laquais.

ISABELLE, au laquais.
pprochez, petit garçon. Eh bien ! Quelle pièce joue-t-on ?

Le LAQUAIS.
Madame, on joue Le Sirop pour purger.

Le CHEVALIER.
Ne vous l'avais-je pas bien dit, madame ? Ces gens-là ne jouent que de vilaines choses.

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