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1613

Jean Gracieux dit Des Lauriers ou Bruscambille, Les Nouvelles et plaisantes imaginations de Bruscambille

Paris : impr. de P. Huby, 1613

Contre les critiques

Prenant la défense du théâtre en justifiant son apport moral par des exemples tirés du présent et de l'Antiquité, l'auteur épingle l'ignorance et la médisance des critiques dans la salle :

En faveur de la scène
Messieurs, vous n'ignorez pas l'utilité et profit que rapporte en une ville le théâtre tragique ? Car outre la connaissance qu'il nous donne des choses passées, il fait mieux goûter la propriété aux prospères et peut encore modérer la tristesse des affligés. Bien dirai-je que ceux qui visitent le docte Théâtre Français, là où aucune faquinerie ne se doit exercer parmi les différents effets de son poème, peuvent, par plusieurs effets étranges, voire presque incroyables, se résoudre à leur adverse ou prospère fortune. Car, outre ce que l'usage est une seconde nature, le bien ne se peut parfaitement goûter sans la connaissance des maux, lesquels il nous faut reconnaître, non pas pour les suivre, mais bien pour les éviter et ne les trouver fâcheux ou étranges quand ils arrivent. Or, messieurs, nous étant disposés pour vous traiter de quelque matière que l'Antiquité semblait avoir ensevelie, mais principalement pour notre défense et pour fermer la bouche à quelques audacieux qui, pensant tout savoir, ne redoutent blâmer le parfait des perfections, et voiler leur ignorance d'une imaginée science. Leurs yeux ne voient que la fange de ce monde ;leurs oreilles bouchées ne leur permettent d'ouïr l'harmonie que font les déités sur ce nombre mont Parnasse.[...] Mais qu'elles viennent donc, ces guêpes ennuyeuses qui, enrichies par dehors de belles peintures, ne cachent au dedans que mortelles et sublimes poisons. Ils trouveront en ce nom de théâtre l'erreur de leur inconstance, ou, pour mieux dire, verront avec les yeux de l'esprit combien leur nature est corrompue, et ce que le ciel leur avait donné de plus beau, ravi et obscurci.Ou leur envie sera rabattue, ou ils verront renverser les plus beaux bastions de leur folie, et s'il leur semble que ma capacité soit assez grande pour dompter ces hydres, je veux fureter jusques au centre de l'Antiquité, pour trouver preuve à mon dire, et rabattre l'orgueil de cette médisance même. [cite des exemples de monarques ayant défendu le théâtre]. Or, puisque les passés et les présents vont défendant notre cause, retirez-vous, sacrilèges scandaleux, ; fuyez ce lieu sacré, allez, esprits farouches, hommes satiriques ! N'entrez dans ce temple, car vous y êtes déjà assez sacrilèges! Si d'aventure vous y venez, les Muses toute puissantes feront paraître vos actions autant éloignées de la vertu que les nôtres nous élèvent près d'icelle. Or, messieurs, je vous supplie de ne prêter oreilles au chant de ces sirènes, de peur qu'elles ne fissent submerger votre nef, laquelle est à bon port. Je poursuivrais davantage à vous discourir, n'était que mes compagnons m'incitent à me retirer ;c'est pourquoi je supplierai vos débonnairetés de nous prêter une heure de silence :nous tâcherons de tout notre pouvoir à vous contenter.

Édition de 1615 en ligne sur Google Books p.183-186


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