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1660

Philippe Doubleth ; Christian Huygens, Correspondance

La comédie, premier divertissement de la Haye

Cette précieuse lettre de Philippe Doubleth, haut fonctionnaire hollandais, à Christian Huygens du 9 décembre 1660 décrit longuement la comédie à La Haye, notamment la sociologie des spectacles et la qualité de ses acteurs. Sans surprise, le point de comparaison est Paris :

Comme donc la cour est petite, il ne se passe presque rien qui vaille la peine de vous être mandé, tout ce qu'on fait c'est d'aller à la comédie, tout le monde est si acharné après ce divertissement là qu'on ne parle d'autre chose, et tout ce qu'il y a de beau monde à La Haye y court sur les cinq heures du soir avec tant d'empressement que rien plus. Les dames qui n'y vont pas, ou pour n’y prendre point de plaisir, ou pour n'oser à cause de leur âge ou veuvage et autres telles raisons incommodes ne laissant pas d'avoir la volonté bonne, entre lesquelles est notre bonne tante de W., se trouvent furieusement incommodées et passent leur temps fort mal. Car après cinq heures sonnées, elles n'ont point d'autres divertissement que de s'entretenir elles-mêmes, et alors La Haye est une solitude pure, on n’y voit point de lumière aux fenêtres, point de carrosses devant les portes, ni du monde par les rues. Pour ce qui est des comédiens, vous vous en imaginez sans doute quelque chose d'extraordinaire, sur ce que je viens de vous dire, mais tels qu'ils sont on s'en divertit, faute de meilleurs. Il y a trois femmes qui font fort bien, mais il y en a une de celles-la, qui ne cède en rien au jugement de tout le monde, à tout ce que l'hôtel de Bourgogne a jamais produit. On l’appelle la du Rocher, elle est belle comme un ange et joue en perfection, au jugement même de madame la Barre qui se connaît un peu à ce métier. Entre les hommes il y en a deux qui font bien, Monsieur Donoy ose presque comparer l'un à Floridor. Le reste ne vaut pas grand chose. La plupart de nos dames, s’entend les plus zélées pour la comédie, ont de petits retranchements ou loges de trois ou quatre personnes dans le parterre, qu’elles louent pour cinquante francs par mois, s’entand chaque place, et de la sorte les Aerssens ils vont pour 250 francs par mois. Les autres à l'avenant, tellement qu'on les mène à fort peu de frais à la comédie en payant pour soi-même, et faute de galants, les dames et demoiselles y vont toutes seules, comme a l’église, sans scandale aucun. Celles qui ont de ces loges comme je vous dis sont madame de Hoorn, de Mompouillan, de Cats, de Düuenvoorde, de Valckenbourg, qui s'est associée avec la cousine Dorp et mademoiselle de Nieveen, les Aerssens, et encore quelques autres.

Lettre disponible sur la Bibliothèque numérique des lettres hollandaises.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »