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1662

[Anonyme], Relation des magnificences du grand Carrousel du roi Louis XIV

Paris : J.B. Loyson, 1662

Un carrousel magnifique à l’image du Roi

La relation anonyme du grand carrousel royal de 1662, organisé pour fêter le mariage de Louis XIV, s’ouvre avec la description des préparatifs et la liste des participants. L’attention de l’auteur semble attirée notamment par la rapidité avec laquelle le lieu du carrousel a été transformé - en quelques semaines - afin de répondre aux besoins de la fête.

Ces combats, joutes, tournois et carrousels sont si anciens qu’il est assez difficile d’en découvrir sur le champ l’origine ; l’histoire est toute remplie des prouesses ordinaires que faisaient paraitre ces chevaliers, et ces preux de l’Antiquité dans ces sortes d’exercices ; mais quoi qu’elle ait pu dire en leur louange, tout cela n’approche en rien des magnificences royales qui doivent éclater à Paris, dans le tournoi qui se prépare. Je ne sais s’il doit être appelé de ce nom, puisqu’il n’est en effet ni carrousel, ni combat, ni joute, et qu’il est néanmoins toutes ces choses ensemble. On y court la bague et la tête, avec la lance et le javelot. La méduse avec le dard et la tête persienne avec l’épée. Si bien que l’on peut dire qu’il ne s’est jamais rien vu de plus beau, ni de mieux inventé, que ceci efface tout ce que les siècles passés ont admiré, et que les histoires veulent encore que l’on admire. Après tout qui peut s’étonner si l’on voit des choses si surprenantes et si magnifiques sous le règne heureux d’un monarque qui est la magnificence même. Toutes les belles actions semblaient être réservées pour le siècle de ce grand prince, et tout ce que l’on avait vu depuis plus de quinze cent ans qu’a fleuri cette grande monarchie, semblait n’être que la figure des vérités éclatantes qui paraissent maintenant à nos yeux. Le roi donc qui fait toutes choses avec tant d’ordre et tant de prudence, pour donner des marques publiques de sa joie sur le sujet de son auguste mariage, qui depuis huit mois a produit un dauphin, qui porte sur son sacré front les précieuses marques de la vertu, et qui fait déjà voir je ne sais quel esprit, et quelle vivacité devant l’âge, n’eut pas plutôt projeté le dessein d’un tournoi qu’en même temps on prépara toutes choses sur ce sujet. Jamais on ne vit la plus surprenante et la plus prompte métamorphose. Un jardin qui depuis tant d’années se mirait dans la beauté d’un parterre, et qui servait d’ornement à ce que l’on appelait autrefois le Pavillon, ou le Dôme de Mademoiselle, vis-à-vis du jardin des Tuileries, devint en huit jours une vaste et magnifique carrière ou place carrée, environnée de superbes échafauds, et de longues et fortes barrières. Je ne ferai point ici la peinture d’une chose que tout Paris a vu depuis plus de six semaines ; puisque d’ailleurs d’excellents hommes en vont laisser avec le burin une mémoire éternelle à la postérité. Suffit de dire que ce lieu a été choisi après plusieurs délibérations plutôt que la Place Royale, que la basse court de Vincennes et diverses autres places, tant à cause de son étendue, et de sa belle situation que parce qu’elle est contiguë au manège du roi, et que l’on y peut agréablement exercer les chevaux de sa grande et des petites écuries, en un mot elle est tellement en vue, que l’on peut voir les courses, des fenêtres des galeries du Louvre, qui aboutissent à la superbe et ravissante sale des ballets, et des comédies. Ce que l’on doit seulement remarquer en passant, c’est qu’attenant le Pavillon de cette maison royale qui fait la face de la Carrière, on voit un grand salon dans toutes les règles de la belle, et curieuse architecture : où les reines seront placées, pour être spectatrices de ces magnifiques courses, et d’où surtout l’auguste épouse de notre grand et invincible monarque doit couronner de sa propre main celui qui remportera la victoire, et lui adjuger le prix que l’on destine à sa valeur et à son adresse. Le temps déterminé pour cette action célèbre qui attire à Paris toute la florissante noblesse de l’Europe doit être, s’il n’arrive quelque changement imprévu le lundi 5 du mois de juin de cette présente année 1662. Et les jours suivants ; ainsi le commencement de cette semaine se pourra passer agréablement, et tout le beau monde se trouvera pleinement satisfait de ces merveilles.

       

Relation disponible à la Bibliothèque Nationale de France (4-LB37-3474), p. 1-3.


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