Par support > Relations, descriptions de spectacles, livrets > L’Espagne en fête sur la nouvelle de l’heureux mariage de mademoiselle Marie Louise d’Orléans fille de Monsieur frère unique du roi avec le roi Charles Second

 

1679

[Anonyme], L’Espagne en fête sur la nouvelle de l’heureux mariage de mademoiselle Marie Louise d’Orléans fille de Monsieur frère unique du roi avec le roi Charles Second

Paris : E. Michalet, 1679

Des illuminations pour la reine d’Espagne

À l’occasion du mariage du roi d’Espagne avec Marie Louise d’Orléans, deux relations sont établies pour relater les événements. Si la première insiste majoritairement sur la réception à l’Escurial au cours de laquelle la décision du mariage est prise, la deuxième relation se concentre sur la fête, et notamment sur les illuminations qui l’ouvrent.

Hernandez Coronel avait si bien placé ces deux montagnes, que représentant la disposition de celles du détroit de Gibraltar, à qui les anciens ont donné le nom de Colonnes d’Hercule, il en fit les Colonnes de la Paix entre les deux nations, voulant exprimer par ces montagnes enflammées, que les feux qui sortiraient de l’une et de l’autre, ne seraient que des feux de joie. En effet on en vit sortir durant plus de deux heures un déluge entier de fusées volantes, qui se terminant en étoiles firent dans le plus haut des airs une illumination aussi belle que celle de terre, sinon qu’elle n’était pas d’autant de durée, et qu’il fallait à tous moments que de nouvelles étoiles vinssent prendre la place de celles qui allaient en fumée.

Garci Sanchez ne manqua pas de faire sortir de son enfer d’amour tous les cavaliers qu’il y avait enfermés, et l’Amour ayant brisé leurs chaînes pour les mettre en liberté ils firent cent tours agréables autour de ces deux montagnes avec des flambeaux allumés qu’ils remuaient en cadence au son des trompettes et des tambours tant d’adresse, que ce ballet ne fut pas un des moindres ornements de cette fête.

Ce qu’il y eut de plus divertissant en cette nuit de feux et de lumières, fut une course à la manière de celle que pratiquaient les Anciens dans les jeux panathénaïques, où une troupe de cavaliers courant à toutes jambes se jetèrent des uns aux autres des flambeaux allumés qu’ils prenaient avec tant d’adresse, que sans interrompre leurs courses, ces flambeaux passaient tous des uns aux autres. Les Athéniens faisaient cette fête à l’honneur de Minerve et Carthagène voulut que les Pyrénées la fissent à l’honneur de la reine Aurélie.

Il est vrai que pour la faire avec plus de magnificence et avec plus d’agrément, il avait fait dresser un grand Cirque éclairé de tant de lustres, et de tant de lumières, qu’il avait tout à fait la ressemblance du ciel, dont il exprimait la figure. Et comme les anciens avaient fait de jeux du cirque une image mystérieuse de l’année, y élevant deux obélisques, l’un dédié au soleil qui fait le jour, et l’autre à la lune qui fait la nuit, avec douze portes pour représenter les douze mois, et sept bornes pour représenter les sept jours de la semaine, Carthagène avait élevé deux obélisques de lumières au milieu de ce cirque, au-dessus desquels étaient les images du roi des ibériens et de la reine Aurélie, comme les deux astres dominants de ces climats. Le cercle du zodiaque faisait l’enceinte du Cirque, et les douze signes y étaient si bien représentés par des lumières qui en marquaient toutes les étoiles chacune selon leur grandeur, qu’il n’y avait rien de si agréable que ce ciel artificiel. Trois cent soixante-cinq cavaliers distingués par quatre couleurs, selon les quatre saisons, comme les anciennes factions du cirque y représentaient les jours de l’année, et par les courses qu’ils faisaient en évolution autour des deux obélisques avec leurs flambeaux, ils faisaient un spectacle si agréable qu’il n’y eut personne dans l’assemblée qui ne souffrit avec impatience le retour de l’Aurore qui vint terminer cette fête. Mais ce ne fut que pour faire place à une autre. Et l’air succédant au feu, fit voir que les divertissements du jour ne seraient pas moins agréables, que ceux de la nuit précédente l’avaient été.


Relation disponible sur Gallica, p. 4-6.



Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »