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1659

Jean Racine, Correspondance de Jean Racine

Manuscrits conservés à la BNF.

Une saynète didactique

Dans une lettre du 26 janvier 1659 à son maître Robert d’Andilly, le très jeune Racine raconte sa réaction face à une saynète didactique pendant un catéchisme.

Il faut, Monsieur, que je vous fasse part des belles choses que nous vîmes et que nous entendîmes hier à Saint-Louis, M. du Fossé et moi. Nous y arrivâmes justement comme on y allait commencer le catéchisme. Il y avait un très grand nombre de gens, nous fûmes néanmoins assez bien placés. Le mal est qu’il nous en a coûté à chacun un sou marqué pour des chaises. Il y avait de grands préparatifs, un Jésus dans la crèche, des anges, des bergers et des innocents. Aussi nous vîmes bien que ce catéchisme était un de leurs plus solennels ; c’était même l’anniversaire de celui dont on leur parla l’année passée dans la Xe Lettre Provinciale. Ils n’en sont pas devenus plus sages, car vous allez voir qu’ils ont fait incomparablement plus de sottises en celui-ci qu’en l’autre. Dès que le Père fut entré, il demanda beaucoup d’attention à ses auditeurs, leur faisant entendre que tout ce qui s’allait dire n’était pas seulement pour des enfants, mais pour les personnes mêmes les plus âgées et les plus savantes […] C’est pourquoi comme l’Impératrice ne se faisait pas entendre à son gré, il répéta lui-même à haute voix et avec ses gestes ordinaires ce qu’elle avait dit […] Je ne me souviens pas bien en quels termes était conçu le second coup, car je fus diverti de mon attention par l’arrivée d’un Père qui nous pensa faire perdre haleine à force de rire, tant son visage avait l’air d’un véritable Escobar ; mais je fus un badin, je perdis sans doute quelque chose de bon. […] Je vous rapporte ses propres paroles, mais il les accompagnait des plus beaux gestes du monde. Il était tard, c’est pourquoi nous n’eûmes pas la patience d’attendre la fin. Nous y avions perdu assez de temps.

       Correspondance consultable dans le volume II de la Pléiade (Racine, Jean, Œuvres complètes, II, Raymond Picard [éd.], Paris, Gallimard, Théâtre-Poésie, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 1966), p. 377-379.


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