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1668

Gabriel Gilbert, Le Courtisan parfait

Grenoble, Jean Nicolas, 1668

Le théâtre comme divertissement mondain

Des mondains en quête de divertissement décident de jouer la comédie. Ils choisissent alors ensemble sujet, costumes, et décors nécessaires pour mettre en place leur pastorale.

LA DUCHESSE :
Que ferons nous ce soir ?

JOCONDE :
Faut-il que je le die ?
Pour vous bien divertir, jouez la comédie,
Vous avez depuis peu fait un si beau dessein :
Il faut l’exécuter sans remettre à demain.
L’occasion jamais ne s’est mieux présentée.

LA DUCHESSE :
La chose pour ce soir est bien précipitée,
Et l’on n’a point d’habits.

JOCONDE :
Les habits sont tous prêts.

LA DUCHESSE :
Et quels habits encor ?

JOCONDE :
Ceux des derniers ballets ;
Des bergers et des rois, et des héros antiques.

LUCIE :
Vous n’en sauriez trouver qui soient plus magnifiques.
Mais il faudrait avoir un sujet ravissant.

JOCONDE :
Le fameux Arétin en a fait plus de cent,
Dont la seule lecture a su toucher notre âme.

LE PRINCE DE F. :
L’impromptu qu’Arétin avait fait pour Madame,
Et qu’il intitulait Le Triomphe de l’Amour,
Est un sujet galant et propre pour ce jour.

EMILIE :
Les vers sont bien tournés, et c’est un rare ouvrage.

LE PRINDE DE F.
Chacun fort aisément jouera son personnage,
Car on le sait par cœur, on l’a dit plusieurs fois.

FELISMANT :
On ne saurait jamais faire un plus heureux choix.

L’ARETIN :
C’est une pastorale, et l’on jouera sans peine,
Ce jardin-ci sera fort propre pour la scène,
Et comme les acteurs ont tous beaucoup d’esprit,
L’affaire la plus grande est de changer d’habit.

EMILIE :
Les habits étant prêts, on change à moins d’une heure.

LUCIE :
Je mets à m’habiller moins de temps, ou je meure.

JOCONDE :
Ainsi l’on peut avoir le régal dès ce soir.

LA DUCHESSE :
Ah ! pour moi je prendrai grand plaisir à vous voir.

JOCONDE :
Qui jouerait votre rôle ?

LA DUCHESSE :
Une actrice nouvelle.

LE PRINCE DE F :
Si vous n’en n’êtes pas, la fête n’est pas belle.

JOCONDE :
Ha ! Madame sans vous tout irait de travers,
Et l’on n’a pas le temps d’étudier vos vers.

LA DUCHESSE :
Mais si je les dis mal.

JOCONDE :
Parlez-nous sans finesse,
Vous vous ressouvenez que vous êtes princesse.
Il ne faut pas pourtant ainsi nous mépriser ;
Pour avoir du plaisir, il faut s’humaniser.
Oublier quelquefois que l’on est souveraine,
Et mettre Altesse à part.

LA DUCHESSE :
Je la quitte sans peine,
Lorsqu’on me voit jouer à mille petits jeux.

JOCONDE :
Jouez la comédie une fois.

LA DUCHESSE :
Je le veux
Puisqu’on le souhaite.

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