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[s. d.]

Godefroi Hermant, Mémoires

Paris : Plon-Nourrit et Cie, 1905-1910

Parodie comique de combat scolastique

Cette anecdote raconte comment un combat scolastique a été tourné en dérision par une parodie à la mode de la comédie italienne.

Depuis que la faction de Molina avait chassé de la faculté de théologie les plus célèbres docteurs qui n’avaient pas voulu souscrire la censure irrégulière contre M. Arnauld, ce procédé si contraire à la charité et à la justice avait irrité toutes les personnes équitables, et avait donné occasion à quantité de plaintes en vers et en prose. Au milieu de cette indignation publique, on fut surpris de voir une thèse affichée sur la porte des Grands-Augustins, où se tenait l’assemblée générale du clergé de France, dédiée à Scaramouche, fameux comédien italien, qui y était représenté au naturel sur une planche de cuivre, sans que l’on y eût épargné ni le soin ni la dépense. L’inscription renfermait toutes les qualités ridicules de ce bouffon, et était exprimée en ces termes italiens ; al gran Scaramuzza, Mimeo, Squaquera, de civitate Parthenopensi, figlio di Tammero etc, L’épître dédicatoire était conforme à cette belle inscription italienne, et elle était suivie de cette traduction française :

A Scaramouche

Epître dédicatoire

Entrant aujourd'hui en lice pour obtenir de cette célèbre Université de Francolin la couronne doctorale, et n’ayant autre chose à craindre dans cette entreprise que la risée de mes auditeurs, qui pouvais-je plus à propos choisir pour protecteur que vous, qui la savez changer en applaudissement. Car quoiqu’il semble que votre juridiction ne s’étende pas plus loin que la comédie et les théâtres, je ne pense pas que les savants s’en puissent affranchir, puisque leur profession, aussi bien que toutes les autres que nous voyons, n’est qu’une comédie , et que toute l’étendu de monde n’est qu’un vaste théâtre où chacun joue son différent rôle. Regardez donc favorablement, ô très ridicule héros, ce combat scolastique, et par vos effroyables grimaces, défendez-moi de celles de nos trop critiques savants ; et je m’assure que, si vous m’accordez votre protection, les arguments de tous ces vieux porteurs de calotte et de lunettes ne me feront jamais répondre un seul mot à propos.

[suivent quelques strophes franco-italiennes]

Ce divertissement public passa du coin des rues jusque dans le Louvre, et fit partie du ballet de L’Amour malade dansé devant le roi, où quelques docteurs ridicules de cette nouvelle université des Francolins jouèrent leur personnage, étant copiés sur quelques-uns des plus méprisables de la Faculté de Paris.


Édition en ligne sur Gallica, t.III, p.250


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