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1665

Paul Fréart de Chantelou, Journal du Cavalier Bernin en France

Paris, Gazette des Beaux-arts, 1885

Un feu sur scène est pris pour vrai

Paul Fréart de Chantelou reporte les activités, réactions et impressions du cavalier Bernin lors de son séjour en France. Le Cavalier raconte comment la réussite exceptionnelle d'un faux embrasement sur scène a créé la panique, tant l'illusion a fonctionné.

Le Cavalier nous a conté, à l'abbé Butti et à moi, un endroit de ses comédies où il feignit un embrasement. L'abbé ayant dit qu'il y avait été et qu'il avait été des premiers à s'enfuir, le Cavalier a dit que, jugeant bien que le feu donnerait de l'épouvante, il avait, avant que la comédie ne commençât, averti le cardinal Barbarin, lui disant que s'il voyait quelque chose qui semblât donner de l'appréhension, qu'il ne s'étonnât pas pour cela et que tout était un effet de l'art ; que cependant, tout averti que le cardinal était, il eut peur ; qu'à la vérité, il n'avait dit la vérité qu'au Seigneur Luigi, son frère ; que la représentation se fit comme de gens qui retournaient d'une fête et qui s'entrecontaient des choses qu'ils y avaient vues ; qu'un entre autres, dont le flambeau n'était guère allumé, le frottait de fois à autre contre la toile de la décoration pour l'allumer davantage et avait ordre de le frotter jusques à ce que quelqu'un du parterre dit qu'il pourrait y mettre le feu, ce qu'ayant entendu dire, il fit allumer le feu qui, dans peu de temps, couvrit le théâtre et se prit à un grand nuage qui était en haut, de sorte que tout le monde crut que le feu s'était allumé par mégarde et ne songeait plus qu'à se sauver. Ce que le Cavalier voyant, il parut sur le théâtre et cria aux spectateurs qu'ils devaient se contenter de voir la comédie et la laisser achever sans prendre ainsi l'alarme mal à propos, qu'au même temps il fit paraître un paysan conduisant un âne et marchant à petits pas à travers le théâtre, ce qui acheva de confirmer que cet embrasement avait été concerté.

Pandora Editions, 1981, p. 243


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