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1695

Louis-François Ladvocat, Correspondance théâtrale entre Louis-François Ladvocat et l'Abbé Dubos

Mercure musical, vol. 1, 15 décembre 1905.

Lettre du 1 juin 1695

Publiée au début du XXe siècle, cette correspondance présente un caractère exceptionnel de par les détails particuliers qu'elle donne sur différents spectacles. Voici les éléments saillants relatifs au 1er juin 1695 :

Vous nous permettrez après cela d'espérer que nous n'attendrons pas en vain la description de votre temple et le reste des critiques que vous nous avez fait espérer. Je vous dirai cependant que l'on continuera Théagène jusques à vendredi de la semaine prochaine pour donner ensuite Acis et Galathée (que l'on commença hier de répéter, pour ensuite donner le Ballet de Momus du Sieur Duché). Peut-être quand vous le verrez représenté, vous oublierez la prévention et le peu d'estime qui vous avait fait condamner avec justice les ballets précédents. Aussi ne les a-t-il pas imités. C'est un sujet en trois actes assez suivi et dont le nœud, sans porter ni remuer le cœur par la crainte et la compassion, l'excitera à une gaieté qui, pour n'être pas comique, ne laissera de divertir agréablement les spectateurs.

Desmarets y a joint beaucoup d'airs très chantants pour les acteurs et pour ceux du parterre à qui on espère qu'ils plairont, qui feront que l'été se passera avec plus de plaisir et plus d'utilité que les étés précédents. Je le souhaite.

J'ai la tragédie de Sabinus imprimée a Bruxelles en 1695. L'auteur en est M. de Passerat qui a cru devoir adoucir la seule cruauté que l'on peut reprocher à Vespasien, d'avoir fait mourir Sabinus et sa femme malgré les larmes de leurs enfants et les prières de Domitie. Mais comme cette action tient un peu du barbare, il a feint que Vespasien amoureux d'Eponine, pour se disculper aux yeux du monde et éviter les reproches qu'on lui pouvait faire s'il condamnait à la mort le mari de la maîtresse, en avait renvoyé le jugement au Sénat et qu'après l'exécution de l'infortuné Sabinus son épouse toujours constante et vertueuse s'était elle-même immolée à son devoir en se tuant sur le corps de ce Gaulois aux yeux de tout le peuple.
« L'auteur a conservé avec bienséance et autant que les règles lui ont pu permettre le caractère de Vespasien, Domitie, Eponine, Sabinus et Mucien, dont les aigres remontrances ont été bien reçues par Vespasien qui lui était redevable de l'empire. L'ambition de Domitie ne lui put inspirer que des résolutions violentes et qui ne pouvaient souffrir qu'un autre l'eût éloignée du trône où le mariage de Domitius la pouvait élever un jour. Toute la tragédie se soutient par la tendresse d'un mari et d'une femme. L'auteur prétend que dans ce temps l'amour conjugal n'est guère à la mode, mais que l'histoire en est véritable et que, dans les premiers siècles, la galanterie était moins en règne que dans celui-ci, où l'on peut dire qu'elle est triomphante.

Je vous dirai que le bruit court ici que le Roi fera jouer à Trianon des comédies de Molière et que l'opéra y jouera pour y divertir Monseigneur. Je souhaite pour l'intérêt de l'opéra que ce bonheur-là leur arrive : il n'y sont presque plus connus. Pecourt se prépare à les bien divertir par les ballets de Momus et les saisons, où il prétend faire danser des Pantalons, des Polichinelles, des Scaramouches et des Arlequins.

Disponible sur Blue Mountain Project, p. 624-625.


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