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1695

Louis-François Ladvocat, Correspondance théâtrale entre Louis-François Ladvocat et l'Abbé Dubos

Mercure musical, vol. 1, 15 décembre 1905.

Lettre du 11 juin 1695

Publiée au début du XXe siècle, cette correspondance présente un caractère exceptionnel de par les détails particuliers qu'elle donne sur différents spectacles. Voici les éléments saillants relatifs au 11 juin 1695 :

Je vous dirai avec vérité, Monsieur, que, si je ne vous ai pas plus tôt fait réponse, c'est que je suis si peu de loisir et si fort occupé de trois ou quatre personnes très assidues dans mon cabinet que je n'ai pas pu trouver le moment d'aller lire à Monsieur du Rosai votre nouvelle critique. J'espère de lui porter aujourd'hui. Je vous dirai sur son mariage qu'il faut qu'il soit précédé d'une survivance que M. son père alla demander au Roi la semaine passée et une place de conseiller d'honneur au parlement que Monsieur son fils cependant aussi bien que le père exerceront leurs charges encore trois ans. Je crois qu'après cette grâce accordée aux longs services du père et aux mérites du fils, on le mariera à quelque riche héritière, qui dégraissera plus le père qu'elle ne diminuera l'embonpoint du fils.

Enfin Théagène expira mardi et le public assista en très petit nombre à ses funérailles. Je suis surpris qu'après toutes nos scolies sur Théagène, vous ayez encore imaginé qu'ils ne se rencontre[nt] après une longue séparation que pour aller aux Enfers, où le public ne s'attend pas qu'ils puissent aller dans les véritables maximes et pour se voir immoler aux yeux les uns des autres, sans les préparations nécessaires à de pareils spectacles. Vous souviendrez, s'il vous plaît, que c'est la fin de votre cahier et que je suis persuadé que ne voulez pas demeurer en si beau chemin et qu'à moins que vous ne vouliez que je me chagrine, vous avez eu un temps plus que suffisant pour m'en faire espérer au plus tôt la suite.

Momus n'est pas encore fini cependant : on en distribuera deux actes en musique demain. Je ne sais si vous avez oublié que je vous ai mandé qu'il avait un sujet et un dénouement qui réjouira en trompant les parties intéressées qui ne méritent pas que Jupiter ait d'autres considérations pour leurs professions. Mais, en augmentant les belles et bonnes idées que vous avez pour les bonnes et louables capacités que vous connaissez dans M. Duché, et en se conformant entièrement aux bons avis que vous lui en avez donnés, il m'est venu emprunter un Euripide très latin pour travailler incessamment et par bon conseil au projet d'Iphigénie Taurique. Vous ne vous plaindrez du sujet ni du poète, s'il y réussit comme je le souhaite. Si vous avez de bons avis à lui donner ou quelque érudition des scoliastes grecs qu'il ne lira assurément pas, il vous sera obligé si vous lui envoyez. Aussi bien aura-t-il besoin pour ses divertissements des habits des pasteurs de ces pays-là et de savoir si la laine des moutons est bleue, verte ou jaune. On représenta hier Acis et Galatée. Elle produisit, malgré vos conjectures, 1400 livres.
De vous dire que dans la suite vous n'ayez pas raison je ne suis pas devin, mais je vous apprends que la Rochevais y chante et y eut des applaudissements tels qu'on aurait peine à vous les exprimer si les gens de qualité et le parterre veulent y contribuer chacun de leur part, cela produira plus que le meilleur opéra ne pourrait faire. Cependant il n'en est pas meilleur ni moins froid dans le prologue et le premier acte, pour le divertissement que les cœurs contents et unis y viennent faire. Cela me paraît nouveau. Je vous dirai qu'après des vitres rompues de part et d'autre et affiches diffamatoires, Mlle Macé a demandé son congé à M. de Francinne qui n'a pu lui refuser.

Disponible sur Blue Mountain Project, p. 625-626.


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