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1666

Antoine de Brunel, Voyage d'Espagne

Cologne, Pierre Marteau, 1666.

Description de la comédie à Madrid

Dans le contexte de la compétition qui règne entre l’Espagne et la France, Antoine de Brunel fait une description défavorable du théâtre espagnol. La description est toutefois pleine de certains détails remarquables, notamment sur la tarification et les costumes. La plupart des éléments de cette relation seront repris dans la Relation d'Espagne de Madame d'Aulnoy.

Pour comédies ordinaires nous avons ici deux théâtres où l’on joue tous les jours. Les comédiens ne prennent pour eux qu’environ un sol et demi pour personne. Autant en donne-t-on pour l’hôpital, et après pour monter aux bancs, on donne environ deux sols qui sont pour la ville à qui appartient les théâtres. Pour s’asseoir il en coûte sept sols de France, tellement qu’en tout la comédie coûte près de quinze sols. Quant à la composition et aux sentiments qu’on y touche, je n’en saurais rien dire de certain, ma connaissance en la langue n’allant pas encore si avant que j’entende la poésie où sont toujours les façons de parler les plus figurées. La représentation n’en vaut presque rien, car excepté quelques personnages qui réussissent, tout le reste n’a l’air ni le génie de vrai comédien. Ils ne jouent pas aux flambeaux, mais en plein jour, ce qui empêche que leurs scènes ne paraissent avec éclat. Les habits des hommes ne sont ni riches ni proportionnés aux sujets. Une scène romaine et grecque se représente avec des habits espagnols. Toutes celles que j’ai vues ne sont composées que de trois actes qu’ils nomment jornadas. On les commence par quelque prologue en musique, mais on chante si mal que leur harmonie semble des cris de petits enfants. Aux entractes, il y a quelque peu de farce, quelque ballet ou quelque intrigue particulière, ce qui est souvent le plus divertissant de toute la pièce. Au reste, le peuple se frappe si fort de ce divertissement qu’à peine y peut-on avoir place. Les plus honorables sont toujours prises par avance et c’est une marque que l’oisiveté est excessive en ce pays, puisque dans Paris même où l’on ne joue pas tous les jours, on ne voit point tant d’empressement d’aller à la comédie.

Relation disponible sur Google Books, p. 29-30.


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