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1660

Jean Loret, La Muse historique

Paris, Chénault, [1656-1665].

Fêtes pour le mariage de Louis XIV

Dans sa lettre du 21 février 1660, Loret évoque notamment les représentations théâtrales qui ont accompagné le mariage du Roi :

Floridor, et ses Compagnons, [La Troupe Royale.]
Sans être incités, ni semons
Que pour la véritable joie
Que dans les cœurs la paix envoie,
Pour réjouir grands et petits,
Jeudi, récitèrent, gratis,
Une de leurs pièces nouvelles, [Stilicon, du jeune Mr de Corneille.]
Des plus graves et des plus belles,
Qu’ils firent suivre d’un ballet,
Gai, divertissant et follet,
Contribuant, de bonne grâce,
Aux plaisirs de la populace,
Par cette générosité,
Autrement, libéralité,
Qui fut une évidente marque
De leur zèle pour le monarque.


[Autre représentation à cette même occasion dans la lettre du 28 février 1660]

Les comédiens de Paris,
Comme gens francs et bien nourris,
Ont été d’humeur libérale :
Car outre la Troupe Royale,
Ceux du Marais, ceux de Monsieur,
Rebutant tout homme payeur,
(Ainsi, que l’on m’a fait entendre)
Représentèrent sans rien prendre,
Ni leurs portiers, ni leurs valets,
Farce, comédie et ballets,
Où tant d’habitants se trouvèrent,
Que leurs loges, presque, en crevèrent,
Leur théâtre et parterre, aussi,
Mais à quoi j’ajoute ceci,
Afin de rendre, à tous, justice,
Qu’un des Messieurs de la police, [Mr le Procureur]
Ce beau dessein leur proposa, [du Roi au Châtelet.]
Aisément les y disposa,
Et paya, de bonne manière,
Les violons et la lumière.


[Autre représentation, à Provins, dans la lettre du 21 août 1660]
Il faut, encore, qu’ici je die
Qu’en divers lieux on s’étudie
À faire des feux à l’envi,
Dont tout spectateur est ravi,
Et le tout pour cette alliance
Qui joint l’Espagne avec la France,
Les uns moins et les autres mieux,
Selon l’opulence des lieux.
Touchant Provins, on sait bien comme
Elle n’est ni Paris, ni Rome,
Mais (avec médiocrité)
Tant seulement simple cité.
J’ai su, pourtant, d’une comtesse,
Dame d’honneur et de sagesse,
Savoir Madame Desmarets,
Qu’icelle ville a fait florès.
Au milieu de leur grande place,
Qui fourmillait de populace,
Un théâtre était élevé,
Où maint dicton était gravé,
Sur lequel étaient les figures,
De deux illustres créatures ;
Quand je parle ainsi, croyez-moi,
Car c’étaient la Reine et le Roi.
Assez proche de leurs images,
Dignes de respects et d’hommages,
Paraissaient la Paix et l’Amour,
Qui semblaient leur faire la cour,
Et ces deux royales personnes,
Ces aimables porte-couronnes,
Dont tous les yeux étaient charmés,
Soutenaient deux cœurs enflammés,
Traversés d’une même flèche,
Dont il sortit une flammèche
(Non sans causer ravissement,
Qui consuma soudainement,
Sur un échafaud d’importance,
À quinze grands pieds de distance,
Des casques et des corselets,
Des dagues et des pistolets,
Des épieux et des hallebardes,
Des fauconneaux et des bombardes,
Des guidons et des étendards,
Des bombes, des sabres, des dards :
Bref, mainte arme bien étoffée,
Dont on avait fait un trophée.
Ensuite de l’embrasement,
Parurent, au même moment,
Un dieu Jupiter, sans tonnerre
Mars sans épée ou cimeterre,
Bacchus sans Thirse, et Neptunus
Grand Monarque des flots chénus,
(Qui, souvent, se met en colère)
Sans trident, sans nef, sans galère.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »