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1662

Jean Loret, La Muse historique

Paris, Chénault, [1656-1665].

Épitaphe de Mme Baron

Le 9 septembre 1662, Loret annonce le décès de Jeanne Auzoult, appelée la Baronne, mère de Michel Baron :

Cette actrice de grand renom,
Dont La Baronne était le nom,
Cette merveille de théâtre,
Dont Paris était idolâtre,
Qui par ses récits enchanteurs
Ravissait tous ses auditeurs,
De la belle et tendre manière,
Est depuis deux jours dans la bière,
Et la mort n’a point respecté
Cette singulière beauté,
Faisant périr en sa personne,
Une grâce toute mignonne,
Un air charmant, un teint de lys,
Mille et mille agréments jolis,
Qui des yeux étaient les délices,
Bref, une des rares actrices
Qui pour notre félicité
Sur la scène ait jamais monté.
Dès que l’on voyait son visage
Tous les coeurs lui rendaient hommage,
Son discours et son action,
Inspiraient de l’attention.
Soit qu’elle fut reine, ou bergère,
Déesse, ou nymphe bocagère,
Elle plaisait, à tout moment,
Et comme elle était pleinement
De cent et cent attraits pourvue,
On ne la perdait point de vue.
Sans se frotter les yeux d’oignons,
Ses compagnes et compagnons,
Voyant décéder tant de charmes,
Ont bien dû répandre de larmes ;
Et je crois qu’ils n’espèrent pas,
Songeant à ce qu’elle eut d’appas,
Pour charmer les yeux et l’oreille,
Recouvrer jamais sa pareille.
Approchant ses derniers moments,
Elle reçut ses sacrements ;
Et comme durant son bel âge,
Elle joua maint personnage,
Dans des déguisements divers,
Voyez son épitaphe en vers.

ÉPITAPHE
De Mademoiselle Baron, comédienne illustre
dans la Troupe Royale.

Ici gît, qui fut Indienne,
Bohémienne, Egyptienne,
Athénienne, Arménienne,
Qui fut Turque, qui fut païenne,
Le tout comme comédienne,
Et, puis, mourut bonne chrétienne.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


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