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ca. 1664

Nicolas Boileau, Dialogue des héros de roman

Parodie et satire de deux héros tragiques

Dans ce dialogue satirique, Boileau fait défiler devant Pluton les grands héros littéraires de son temps. C'est l'occasion d'un coup de griffe contre Quinault et l'abbé de Pure, à travers la satire de leurs héros respectifs, Astrate et Ostorius.

ASTRATE.
Oui, et c’est sur ce bel argument qu’on a composé une tragédie du nom d’Astrate, où les passions tragiques sont maniées si adroitement que les spectateurs y rient à gorge déployée depuis le commencement jusqu’à la fin, tandis que moi j’y pleure toujours, ne pouvant obtenir que l’on m’y montre une reine dont je suis passionnément épris.

PLUTON.
Oh, bien, va-t’en dans ces galeries voir si cette reine y est. Mais quel est ce grand mal bâti de Romain qui vient après ce chaud amoureux ? Peut-on savoir son nom ?

OSTORIUS.
Mon nom est Ostorius.

PLUTON.
Je ne me souviens point d’avoir jamais nulle part lu ce nom-là dans l’histoire.

OSTORIUS.
Il y est pourtant. L’Abbé de Pure assure qu’il l’y a lu.

PLUTON.
Voilà un merveilleux garant ! Mais, dis-moi, appuyé de l’abbé de Pure, comme tu es, as-tu fait quelque figure dans le monde ? T’y a-t-on jamais vu ?

OSTORIUS.
Oui-da ; et, à la faveur d’une pièce de théâtre, que cet abbé a faite de moi, on m’a vu à l’Hôtel de Bourgogne.

PLUTON.
Combien de fois ?

OSTORIUS.
Hé ! une fois.

PLUTON. Retourne-t’y en

OSTORIUS.
Les comédiens ne veulent plus de moi.

PLUTON.
Crois-tu que je m’accommode mieux de toi qu’eux ? Allons, déloge d’ici au plus vite, et va te confiner dans mes galeries.

Édition de 1828 en ligne sur Google Books p. 139-140.


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